KIABIYA RUIZ Karine
PE2
groupe 8 – année 2005/2006
IUFM
de CERGY – Académie de Versailles
MEMOIRE
PROFESSIONNEL
TICE
ET PEDAGOGIE DE PROJET
Sous
la direction de M. BOURDEAU
SOMMAIRE
INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………….3
I)
La genèse des
TICE et de la pédagogie de projet : les TICE à l’origine de la pédagogie
de projet ?............................................................6
a)
Les pionniers……………………………………………………………………………..9
b)
La jonction
avec un mouvement plus large…………………………..12
c)
Les années
1990……………………………………………………………………..13
II) Une démarche
en trois phases…………………………………………………….………16
a)
Le choix du
projet……………………………………………………………………16
b)
Le cadre de
planification du projet………………………………….......20
a)
Lancement du
projet……………………………………………………………….20
b)
La réalisation
et la communication du produit……………………….22
III)
Analyse de nos
expériences………………………………………………………………24
a)
Obstacles liés
à la technique et solutions envisagées……......24
b)
Obstacles liés
au dispositif et solutions envisagées……………..25
c)
Obstacles liés
à la gestion de la classe………………………………….26
a)
La motivation…………………………………………………………………………..26
b)
Les
apprentissages………………………………………………………………….28
CONCLUSION………………………………………………………………………………………………32
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………………….34
SOMMAIRE DES
ANNEXES………………………………………………………………………….36
ANNEXES
INTRODUCTION :
Un cours de TICE lors de
notre préparation au concours en PE1 nous a fait ressentir ce que l’intégration
des TICE dans le cadre d’un projet pouvait
apporter en terme d’apprentissage et de motivation. A notre tour, nous voulions
partager cette expérience dès l’année de PE2 avec les élèves dont nous aurions
la responsabilité en stage.
S’il paraît moins aisé de mettre en place divers
projets intégrant les TICE dans le cadre des stages en responsabilité, c’est
néanmoins ce cadre de travail que nous avons choisi pour l’élaboration de notre
mémoire. Plusieurs raisons expliquent ce choix : une mise en condition
« réelle » par rapport aux années à venir, la nature même de notre
sujet qui manifeste la volonté de lier la question de l’intégration des TICE à
un projet pluridisciplinaire fort car concentré dans le temps. En utilisant nos divers
stages en responsabilité comme « base d’opérations » nous visons la
facilitation d’une évolution de la classe vers une communauté d'apprenants
motivés. Ce qui peut en premier lieu et principalement justifier ces choix est
l’enrichissement de la communication pédagogique au sein de la classe ainsi que
la conduite de tous les élèves à un progrès dans la croissance et la qualité de
leurs apprentissages.
« Comme il y a des croyants et des athées, il y a aussi des partisans des TICE et des adversaires des TICE, mais aussi des agnostiques qui ne se prononcent pas, soit parce qu’ils attendent qu’une preuve leur soit apportée, d’un côté ou de l’autre, soit qu’ils considèrent la question comme insoluble ou sans intérêt. »[1] Nous sommes des «croyants des TICE» et nous pensons que la généralisation de l’usage des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement constitue un enjeu majeur pour le système éducatif. Former les élèves à leur utilisation relève de sa mission d’offrir une véritable égalité des chances dans une société où maîtriser leur langage devient indispensable à l’insertion professionnelle. Pour cette raison, nous devons intégrer ces nouveaux outils dans nos pratiques. La question de l’intégration des TICE aux enseignements nous semble donc aujourd’hui dépassée. Il convient plutôt de se poser la question du «comment », celle de la méthode qui déploiera les potentiels de l’outil pour celui qui apprend. Les technologies peuvent constituer la meilleure et la pire des choses ; à nous de les faire pencher du bon côté. Comment donc et à quelles conditions l’intégration des TICE peut-elle aider les élèves à construire, à améliorer leurs compétences dans quelque domaine que ce soit ?
Nous avons émis l’hypothèse que l’approche des
compétences transversales détaillées dans le B2i[2]
par des projets recouvrant les différents domaines disciplinaires et mettant en
œuvre différents outils informatiques est la plus pertinente.
Cette hypothèse de travail a été formulée à partir
d’une intuition : à cette étape de notre travail, nous pensions que les
TICE et la pédagogie de projet feraient bon ménage et que ce mariage heureux
n’était pas le fruit d’une coïncidence. Il nous restait à valider ou invalider
cette hypothèse par une réflexion
théorique assortie de diverses
«expérimentations».
Quels apports alors et quelle place pour les TICE
dans la conduite d’un projet de classe ? Comment les TICE modifient-elles
la pédagogie par le projet ? Quel est le rôle de l'enseignant, de l'élève dans
ce type de projet ? Ces questions
vont servir de fil conducteur à l’analyse de notre sujet sur les TICE. C’est donc
d’un point de vue pédagogique et non technique que nous traiterons la question
de l’intégration des technologies dans l’enseignement.
I.
Genèse des TICE et de la pédagogie de projet :
les TICE à l’origine de la pédagogie de projet ?
On apprend par divers chemins[3].
L'un d'entre eux consiste à accéder au savoir par le projet.
1.
Définition de
la pédagogie de projet :
Le mot projet vient du latin « projicere »: jeter en avant
expression se traduisant en grec par « proballein »
qui donnera le mot problème. L’étymologie révèle ici le lien étroit entre les
termes projet et problème.
La pédagogie de projet
est définie par Michel Hubert comme « un mode de finalisation de l’acte
d’apprentissage. L’élève se mobilise et trouve du sens aux apprentissages dans
une production à portée sociale qui le valorise. La résolution des problèmes
rencontrés au cours de cette réalisation
va favoriser la production et la mobilisation de compétences et de savoirs
nouveaux »[4]. Il illustre
cette définition d’un schéma (ANNEXE I)
particulièrement éclairant extrait de Apprendre
en projets[5].
A la lecture de celui-ci, on comprend mieux comment le projet donne du sens aux
apprentissages. Un projet est avant
tout la réalisation d’un produit socialisable destiné à un ou plusieurs
utilisateurs extérieurs à la classe, ce qui permet aux élèves de faire des
choses «pour de bon » et non pas pour faire plaisir à l’enseignant. C’est
l’idée fondamentale de la pédagogie de projet : faire que l’école
ressemble davantage à la vie, déscolariser les apprentissages, échapper à «la
forme scolaire», notion avancée par l’historien et sociologue Guy Vincent et
reprise par le sociologue Bernard Lahire qui présente l’école comme milieu
fondamentalement artificiel et où tout est réglé selon une certaine forme qui
appartient en propre à l’école et qui n’est pas naturelle. Dans la pédagogie de
projet, toutes les activités sont
organisées autour d’une réalisation finale : l’idée est de « casser »
ce que la forme scolaire a d’arbitraire et de remettre en cause le découpage
des disciplines. Pour cela, il s’agit de mobiliser chez les élèves des savoirs
et des savoir-faire qu’ils maîtrisent déjà ou leur en faire acquérir de nouveaux
dans différents domaines. Les élèves seront alors amenés à surmonter les difficultés rencontrées, les
problèmes à résoudre et à avancer dans la réalisation du projet. Une fois le
produit achevé, le destinataire signifie son degré de satisfaction, c’est
l’effet feed-back qui est au cœur du
processus d’évaluation du projet et qui contribue à la construction de l’image
de soi positive. Les enjeux de la pédagogie de projet sont donc à la hauteur
des exigences qu’elle représente pour l’enseignant : enrichissement des
savoirs, développement des compétences et construction de l’identité comme
l’illustre ce schéma sur les effets attendus d’une pédagogie de projet. (ANNEXE II)
Grégoire R. et Laferrière T. font remarquer dans un
guide à destination des enseignants[6]
que ces
dernières années, l'intérêt que l'on a manifesté dans de nombreuses classes
pour une approche par projet a souvent été de pair avec l'apparition dans les
mêmes classes de nouveaux médias. Tant au Canada qu'aux États-Unis, un
enseignement organisé autour de projets, de plus en plus fréquemment avec le
concours d'ordinateurs en réseau, est devenu un moyen de motiver les élèves,
d'accroître la collaboration entre eux, de renouveler la pédagogie et, avant
tout, de donner davantage de sens à l'apprentissage scolaire. S'agit-il d'une
simple coïncidence, les facteurs responsables de cette situation étant tout
autres? Ou doit-on attribuer aux pouvoirs de la technologie la naissance d'un
courant pédagogique? Pour répondre à cette question, un retour historique
s'avère nécessaire.
2.
Retour
historique :
Le concept de projet est apparu dans des conditions
historiques déterminées ; sa première apparition l’associe à
l’architecture (on parle de projet architectural montrant ainsi la volonté de
distinguer l’œuvre de sa conception). Il a ensuite été repris en philosophie et
en pédagogie. Jean-Jacques Rousseau esquisse dans l’Emile ce qui deviendra la pédagogie du projet. A la charnière des
XIXe et XXe siècles, les premières expériences concrètes relevant du projet
apparaissent dans les écoles actives allemandes, américaines et soviétiques, et
dans les débuts du groupe français de l’Education Nouvelle.
Certains chercheurs comme Henri Wallon et
Jean Piaget contribuent à renforcer la base théorique de la pédagogie de
projet en permettant aux éducateurs nouveaux de puiser dans leurs travaux des
justifications scientifiques. Pour Henri Wallon, le moteur de la construction
intellectuelle est l’activité propre de l’enfant. Pour Jean Piaget les
connaissances ne sont pas transmises de quelqu’un qui sait vers quelqu’un qui
ne sait pas. Elles sont construites par l’individu par l’intermédiaire des
actions qu’il accomplit sur des objets. Ces actions sont intériorisées et
constituent les schèmes qui s’organisent et permettent à l’individu de répondre
de manière satisfaisante à une situation. Ces expériences vont déboucher sur
une première théorisation, celle de Jean Vial[7].
Cette première théorisation est liée à un ensemble de circonstances :
dénonciation de l’échec scolaire ségrégatif, échec dans l’enseignement du
français. On assiste à partir de ce moment là à une multiplication des
pratiques relevant de la pédagogie de projet et à la naissance de mouvement ou
de groupes comme le Groupe Français de l’Education Nouvelle. Le mot « projet »
finit par apparaître dans les textes et les Instructions officielles sous les
termes de « projet d’action éducative », de « projet pédagogique »
ou de « projet d’école ». Dans les années 1980, la pédagogie de
projet est également mise en pratique en Amérique du Nord, particulièrement au
Québec.
a- Les pionniers :
Un constat s'impose :
l'idée d'un enseignement organisé à partir de projets qui impliquent des
contacts à l'extérieur de l'école, une activité manuelle et une collaboration
entre élèves fait depuis des siècles partie du corpus de
Le principal théoricien
d'un enseignement centré sur la réalisation de projets en classe a été le
psychologue William H. Kilpatrick (1871-1965). L'article qu'il a publié en
1918, sous le titre général "The Project Method", a eu, dans les
milieux de la formation des maîtres aussi bien que dans les écoles, un
retentissement considérable. Ce professeur et chercheur au Teachers College
de l'Université Columbia a aussi, par la suite, largement contribué à la
diffusion de cette "méthode" à travers ses cours, ses conférences et
un volume publié en 1925. Pour Kilpatrick, un projet est une activité qui
possède un but précis, engage dans sa totalité la personne qui l'accomplit et
se déroule dans un environnement social. Dans les explications qu'il en donne,
il ressort que l'élément déterminant est l'existence d'un but.
En Europe, plusieurs
pédagogues ont aussi œuvré dans le sens de ce que l'on a appelé une
"pédagogie par projet". Tel est le cas, par exemple, pour l'Ukrainien
A.S. Makarenko (1888-1939). Il a été instituteur, puis directeur, dans des
écoles ordinaires. Mais ce sont surtout ses principes et ses pratiques, alors
qu'il dirigeait des communautés de travail accueillant des enfants abandonnés
et de jeunes délinquants, qui l'ont fait connaître et ont inspiré de nombreux
enseignants dans divers pays. Parmi ces principes et ces pratiques, figurent,
rappelons-le, une confiance quasi illimitée dans les pouvoirs de l'éducation et
la capacité d'évolution des jeunes, la prise de responsabilité, et le besoin de
"perspectives" et de buts.
Le pionnier européen le
plus connu de l'apprentissage par projet est Célestin Freinet (1896-1966).
L'influence qu'il a exercée sur cet aspect, comme sur bien d'autres, de l'école
"moderne" ou "nouvelle" a été et demeure forte. En
l'occurrence, il convient de noter que la place qu'il a accordée à
l'utilisation en classe d'outils technologiques de son temps concorde remarquablement
avec celle que ce mémoire propose que l'on fasse des médias d'aujourd'hui. Dans
les "classes Freinet", les élèves disposent
de livres et d'autres documents écrits, mais aussi de presses à imprimer, de
phonographes, de magnétophones et de divers autres instruments de nature
technologique. D'autres technologies
ont, par la suite, été utilisées dans le même esprit dans les écoles
influencées par
Parmi les changements
que le Groupe français d'éducation nouvelle a proposé sur l'école et essayé
d'implanter, la pédagogie du projet occupe une place privilégiée. Les
éducateurs membres de ce groupe, ont expérimenté une approche par projet avec
des élèves de tout âge, dans la plupart des matières, autour de thèmes
pluridisciplinaires et interdisciplinaires, avec des moyens très variables et
dans les contextes scolaires les plus divers. En
général, le Groupe français d'éducation nouvelle met l'accent sur des projets
qui ont un lien avec des situations ou des problèmes concrets et de caractère
social. Il a posé comme principe que tout projet devait conduire à des
transformations dans la vie de l'élève, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de
l'école. Tout projet scolaire
doit, en somme, tendre à devenir un projet
de vie. Aussi, cette pédagogie se situe-t-elle sans équivoque du côté
des tenants d'une construction de son propre savoir et d'une participation au
développement du savoir lui-même par l'élève. En effectuant cette démarche,
l'élève développe un esprit de recherche, d'expérimentation et de collaboration
et améliore sa maîtrise de méthodes, de connaissances, d'habiletés
intellectuelles et d'attitudes, mais aussi, plus profondément, il acquiert un
pouvoir sur la sélection et l'utilisation de l'information et, par voie de
conséquence, sur le réel.
b- Une jonction avec un mouvement plus large :
L'approche par projet
s'appuie donc sur une tradition qui en a déjà éprouvé les fondements et les
résultats. En outre, même si cette approche n'est jamais devenue une pratique
régulière que dans un nombre restreint de classes, on ne peut pas la considérer
comme une orientation pédagogique marginale. En effet, elle a pris racine à
l'intérieur d'un mouvement socio-éducatif durable qui, depuis le tout début du
20e siècle, tant en Amérique du Nord qu'en Europe, propose des changements
majeurs dans l'enseignement scolaire. Selon les lieux et les moments, ce
mouvement a pris, entre autres, les appellations d'école "nouvelle",
"moderne", "sans murs", "active" ou
"alternative", de "free school", d'"activity
movement" ou de "progressive education".
La pierre d'assise de ce
mouvement est une attention portée à chaque élève : à son milieu d'origine, à
ses acquis, à sa motivation, à ses centres d'intérêt, à ses méthodes de
travail, en bref à son individualité. De multiples expériences ont démontré que
le respect de cette orientation fondamentale entraînait plusieurs conséquences.
L'une d'entre elles est que l'on doit prévoir, à l'intérieur de la classe, de
nombreuses activités auxquelles les élèves participent et ces activités doivent
fournir aux élèves l'occasion d'adopter une attitude de recherche, d'explorer,
d'échanger entre eux, de travailler avec leurs mains, de faire quelque chose
ensemble et de s'exprimer de diverses manières. Une autre conséquence d'un
enseignement centré sur l'élève est qu'il faut, très souvent, revoir les
contenus proposés; ceux-ci doivent avoir un sens par rapport à des
préoccupations personnelles ou à des réalités naturelles ou sociales que
l'élève est lui-même en mesure d'observer ou de faire siennes par quelque autre
moyen. De tout ceci, il résulte que l'enseignant doit transmettre directement
moins d'informations et donner moins de directives, mais devenir plutôt un
guide, au double sens de ce terme, à savoir une personne qui connaît et indique
des chemins qui conduisent à l'apprentissage souhaité et une personne qui
possède la capacité d'en aider une autre à dépasser ses tâtonnements, ses
hésitations ou son manque de confiance en elle-même, qui
l'"accompagne" en quelque sorte dans son évolution.
L'approche par projet
n'est donc pas une idée neuve, mais, telle qu'elle s'affirme depuis quelques
années, elle contient du neuf. En outre, le développement de la TICE élargit à
un tel point ses potentialités que beaucoup pensent qu’il s’agit là d’une
nouveauté.
Les expériences qui ont
commencé à exploiter ces potentialités sont de plus en plus nombreuses en
Amérique du Nord comme le programme Rescol
à la source[8].
La plupart d'entre elles illustrent ce que l'on peut accomplir avec des moyens
très modestes. Il en existe des centaines d'autres plus ou moins semblables. Ces perspectives, dans la recherche en cours en vue
d'une utilisation appropriée et efficace des nouvelles technologies de
l'information et de la communication dans un contexte scolaire, paraissent
prometteuses. Les TICE disposent en effet du pouvoir d'accroître
considérablement les "connexions" à l'intérieur du cerveau de chaque
personne, de même qu'entre plusieurs personnes[9].
Cependant, un bon nombre de ces connexions ne se produiront et, a fortiori, ne
conduiront à des apprentissages significatifs que si elles sont soutenues et
finalisées par un projet.
Certains diront que la question de l’efficacité
pédagogique des TICE est une question redoutable voire impossible. L’efficacité
d’un dispositif éducatif se mesure généralement par les effets que celui-ci
exerce sur l’état cognitif du sujet apprenant. On mesurera par exemple
l’efficacité d’une méthode d’apprentissage de la lecture fondée sur
l’exploitation d’un logiciel en constituant plusieurs groupes d’élèves dont certains
apprendront à lire avec le logiciel et d’autres en suivant une méthode plus
traditionnelle. Selon l’OTE[10],
ce type d’expérience est facile à concevoir en théorie mais long et coûteux à
mettre en œuvre concrètement. De tels projets sont rarement entrepris, du moins
en Europe. Aux Etats-Unis, ils sont plus nombreux. Leurs conclusions donnent
majoritairement l’avantage aux TICE mais un nombre non négligeable d’études
concluent à l’absence d’effet significatif des méthodes sur les résultats. Se
pose également le problème du respect du processus expérimental et de
l’interprétation des résultats. Mais la méthode expérimentale n’est peut-être
pas la seule à notre disposition pour démontrer l’efficacité des TICE. D’autres
voies sont possibles et nous avons choisi l’une d’elle : une approche plus
empirique.
II.
Une démarche en trois phases :
Cette démarche comporte trois phases: la
préparation, la réalisation et la communication du projet.
1-
La préparation
du projet
Dans le premier temps, l’enseignant «
se met en projet d’intervenir »[11].
Autrement dit, il se prépare à accompagner les élèves dans leur construction de
savoirs et détermine ses outils intellectuels les plus appropriés pour
favoriser les apprentissages.
a-
Le choix d'un projet :
adaptation audiovisuelle d’un album en langue étrangère sur document multimédia[12]:
une aventure créative
La pertinence pédagogique du projet et sa
faisabilité sont les deux critères qui ont orienté notre choix. Nous sommes
parties des compétences que nous voulions développer chez les élèves[13]
notamment en anglais, à savoir la compréhension et la production orale et nous
les avons inscrites dans le cadre d’un projet intégrant les TICE. La démarche
vise donc à intégrer les TICE au service d’un projet de langue vivante, l’informatique est un outil au service de
la réalisation d’un document audio-visuel. L’ordinateur n’est qu’un instrument,
c’est bien ainsi qu’on s’en sert dans la vie de tous les jours et c’est ainsi
qu’a été pensé le B2I qui valide
l’acquisition d’une culture informatique de base sans pour autant constituer
une matière séparée des enseignements habituels.
Le fait de produire un produit fini communicable nous a semblé être
un réel enjeu et un vecteur de motivation. Nous proposons donc aux enfants de
réaliser un diaporama pour présenter un conte étudié : « Winnie the
witch » et Winnie in winter » puis reformulé en anglais. Chaque
enfant recevra un cédérom du travail effectué.
Plusieurs raisons expliquent le choix de cet
album :
-
le format de
l’album permet une manipulation facile pour le maître et une bonne lisibilité
des illustrations même face à un grand groupe classe.
-
L’adéquation
de significations entre le texte et les images est très forte ce qui facilite
la compréhension.
-
Les structures
utilisées dans le texte sont répétitives, facilement mémorisables et surtout
réutilisables par les élèves.
-
L’histoire
propose une situation drôle qui motive les enfants
L’enseignant doit maîtriser
parfaitement le texte de l’histoire, connaître les images de l’album. Il doit
avoir effectué un travail préalable de repérage des structures employées et du
lexique qu’il soit déjà connu ou non par les élèves.
Cette démarche de projet balaye divers
champs de compétences.
Objectifs linguistiques :
Ecouter et
comprendre:
-
mettre les
enfants en situation d’inférer le sens d’un album en s’appuyant sur les bases du
vocabulaire, les structures grammaticales connues et les illustrations.
-
Reconnaître
les schémas intonatifs principaux.
-
Prendre appui
sur les mots transparents et le vocabulaire connu pour comprendre l’essentiel.
-
Identifier le
jalonnement chronologique dans un récit.
La narration d’histoires permet de
plonger les élèves dans un bain linguistique où la langue cible devient le
moyen d’atteindre le plaisir de la connaissance d’un récit. Cette activité
correspond à une situation de compréhension orale authentique. Elle permet de
développer les capacités de compréhension (stratégies de prises d’indices et de
vérifications d’hypothèses), de production (expansion spontanées du
vocabulaire, des structures langagières etc.) de l’élève et parallèlement de
vérifier ses acquis. Les enfants, petits ou grands aiment les histoires !
La narration d’histoire se situe dans un contexte positif, d’écoute et de
calme. Elle sera ainsi nécessairement liée à la notion de plaisir et de
complicité entre l’élève et le narrateur. L’attention et la mémorisation sont
aussi motivées par la recherche du sens de l’histoire.
S’exprimer
à l’oral :
-
Reproduire des
énoncés en respectant les schémas accentuels et intonatifs et en réalisant correctement les phonèmes.
-
Personnaliser
des énoncés connus en modifiant quelques éléments dans le respect de la
morphosyntaxe.
Renforcement
de la maitrise de la langue :
réflexion sur le fonctionnement de la langue afin d’établir qu’une langue n’est
pas calque d’une autre et enclencher un début de réflexion sur les
fonctionnements comparés de 2 langues.
Objectifs informatiques :
Maitriser
les premières base de la technologie informatique
- Utiliser à bon escient le vocabulaire spécifique
nécessaire à la désignation du logiciel utilisé pour permettre la saisie, le traitement, la
mémorisation et la transmission d’informations.
- Recourir à l’utilisation de la souris et à
quelques commandes clavier.
- Ouvrir un fichier existant, enregistrer un document
dans le répertoire par défaut.
- Ouvrir et fermer un dossier.
Adopter
une attitude citoyenne face aux informations véhiculée par les outils informatiques :
- Prendre conscience que les images peuvent être
objet de montage.
- Savoir que les données et les logiciels ont un
propriétaire et qu’il faut respecter cette propriété.
Produire,
créer, modifier, exploiter un document à l’aide d’un logiciel de montage
Autres domaines :
Education
musicale : les objectifs du
cycle 3 sont pleinement visés si on fait le choix d’insérer du son produit pas
les enfants ou choisis par eux pour accompagner le diaporama. De plus, la
sélection de sons dans une banque de données relève de l’explicitation de choix
argumentés.
Education
civique : respect et écoute
de l’autre, organisation collective… sont particulièrement importantes dans ce
type de sujet.
Remarque :
Cette démarche est transférable dans d’autres champs disciplinaires comme
la production d’écrit : création de fiction, compte rendu de visites de
classe transplantée. Cette démarche peut également concerner la présentation
d’exposés en histoire géographie.
b-
Cadre de
planification du projet :
Philippe Meirieu a écrit : « la pédagogie
de projet présente une avancée décisive dans l’organisation pédagogique à
condition de respecter certaines exigences méthodologiques indispensables à son
efficacité ». Nous avons donc commencé par élaborer un cadre de
planification de notre projet à partir d’un site internet canadien consacré à
la pédagogie de projet[14]
et de l’ouvrage de Lucie ARPIN et Louise CAPRA[15]. Nous avons
complété ce document, fourni en ANNEXE IV, en vue d’organiser au mieux notre projet de
stage. L’intérêt majeur de ce cadre de planification est qu’il est transférable
pour n’importe quel projet.
2- L’exécution du projet :
a-
Lancement du
projet :
Lucie ARPIN et Louise
CAPRA[16]
préconisent une interaction avec ses élèves pour les
guider dans les différentes phases du projet : l’élaboration du projet, sa
réalisation et sa communication. Les conditions de mises en œuvre de ce projet,
dans le cadre du stage et du mémoire, ont fait qu’il n’y a pas eu d’interaction
dans la phase d’élaboration du projet puisqu’il était entièrement apporté par
nous. Il nous fallait donc un temps fort pour que les élèves se
l’approprient : c’est le lancement du projet[17].
La
séance de lancement du projet visait deux objectifs :
·
La motivation des élèves à
l’élaboration du projet d’adaptation audio-visuelle des albums Winnie the witch et Winnie in
winter.
Lors
de la préparation d’un projet collectif, l’objectif que l’enseignant doit se
fixer vise la motivation des élèves et leurs capacités à s’engager afin de
construire des savoirs par la médiation de l’enseignant. L’enseignant doit être
attentif aux goûts et aux intérêts des élèves afin de concevoir des projets
signifiants pour eux et qu’ils pourront s’approprier. Pour cela, l’enseignant
doit prendre en compte le milieu dans lequel vivent les élèves. Or, les élèves
de nos classes semblaient correspondre aux caractéristiques de « la
génération écran » : jeux vidéo, visionnage de films vidéos sur support dévédérom ou
cassette, Internet, sont des activités courantes pour ce type de classe d’âge. Nous avons fait le pari
alors de penser que l’intérêt des élèves allait être stimulé par l’utilisation
des nouvelles technologies.
·
Permettre aux
élèves d’avoir ainsi une idée du
produit fini auquel aboutira le
projet.
Il
s’agit pour les élèves de prendre conscience que le produit final est
artistique mais nécessitera des outils technologiques. Ils comprendront ainsi
que le projet vise un travail
pluridisciplinaire qui se prête aisément à un dépassement des
matières traditionnelles et appelle l'établissement de nouvelles
"connexions". Il est artistique parce que l’outil multimédia
permet aux enfants de fabriquer leurs propres multimédias comme la réalisation
d’un cédérom portant sur l’image et la mise en page. C’est donc une activité de
création. Le travail est technologique :
apprentissage d’un langage et manipulation de différents outils informatiques.
Créer un document multimédia est aussi un travail en éducation civique :
ils prennent conscience des manipulations possibles et deviennent pour cela un
public averti des outils multimédia. Esprit de rigueur, organisation du
travail, organisation entre groupes sont nécessaires.
Le
visionnage d’un exemple de produit fini leur révèle aussi qu’ils peuvent
eux-mêmes être à la fois les auteurs
d’un tel produit et les acteurs
de leur formation à la création de ce produit.
La
modalité choisie pour ce lancement du projet devait donc permettre une réelle
appropriation par les élèves du projet mais la contrepartie est l’effet
modélisant que risquait de représenter l’adaptation audiovisuelle d’un autre
album, ce qui pouvait être gênant car une de nos intentions était de leur
laisser une plus grande liberté d’action dans les phases de réalisation et de
présentation.
b-la
réalisation et la communication du produit :
C'est au cours de cette phase, que le projet prend
forme et devient vivant, que l'on réalise le projet. La production ne peut être
réalisée que si les élèves produisent et mobilisent des compétences et des
savoirs nouveaux qui permettent la résolution des problèmes rencontrés au cours de cette réalisation.[18]
Le projet se déroule donc sur trois
semaines en deux étapes: les deux premières semaines sont réservées en grande
partie à l’acquisition des connaissances nécessaires non seulement à la
compréhension de la lecture orale des albums
Winnie the witch et Winnie in winter mais aussi à la
production de phrases à venir accompagnant les illustrations. La dernière
semaine est réservée essentiellement à la réalisation technique de l’adaptation
audio-visuelle de l’album. Cependant, dès la première semaine, des élèves
volontaires testent les diverses fonctionnalités du logiciel pendant les temps
informels. Cette première manipulation libre vise deux objectifs : d’une
part, laisser le temps aux élèves d’expérimenter et de comprendre le logiciel
et, d’autre part, permettre à l’enseignant d’évaluer leur maîtrise de l’outil
informatique.
Nous vous renvoyons aux scénarios
pédagogiques joints en ANNEXE V pour
davantage de précisions concernant le déroulement de cette phase.
III.
Analyse de nos expériences :
1.
Obstacles/difficultés
rencontrés et solutions proposées:
a-
obstacles liés
à la technique et solutions envisagées :
-
la puissance
de l’ordinateur : un ordinateur dont les caractéristiques permettent une
manipulation confortable du logiciel utilisé est indispensable. L’une d’entre
nous disposait les deux premières semaines d’un ordinateur dont les capacités
étaient insuffisantes pour une utilisation confortable du logiciel. Nous avons
pu nous procurer un ordinateur suffisamment performant pour mener à bien le
projet la dernière semaine.
-
les pannes
types « bug » : panne d’ordinateur, de logiciel et d’outils
périphériques qui peuvent survenir pour une raison ou pour une autre. La
logique pédagogique va parfois à l’encontre des capacités des divers
outils : dans un souci pédagogique et organisationnel, l’une d’entre nous
avait envisagé dans un premier temps la prise de photographie puis
l’enregistrement de la voix off par un
même binôme. Très tôt, au deuxième ou troisième binôme l’ordinateur s’est
révélé incapable de gérer ces allers-retours entre utilisation du périphérique
et du logiciel. Il fallait donc envisager que tous les binômes prennent les
photographies, que celles-ci soient transférées en même temps sur le logiciel
afin de ne pas ouvrir de nombreux dossiers.
-
La connaissance
insuffisante sur le logiciel due à un manque de manipulation. Rares étaient les
élèves qui maîtrisaient suffisamment le logiciel ou qui avaient l’expérience
suffisante en matière de résolution de problèmes. Une certaine capacité de
déduction pour remédier aux éventuels problèmes rencontrés était nécessaire
pour être complètement autonome dans l’utilisation du logiciel. Cette
difficulté a été accentuée par l’échéance de la fin du stage. Cela nous a
peut-être conduit à être parfois un peu dirigiste. Or nous sommes bien
conscientes qu’il s’agit là d’une dérive qu’ Isabelle BORDALLO et Jean-Paul GINESTET
appellent « la dérive
techniciste où l’élève est l’exécutant d’un projet entièrement conçu par
l’enseignant. »[19]
L’enseignant devient rapidement le modèle et l’élève l’exécutant. Dans cette dérive la plus extrême,
l’enseignant fait à la place des élèves et ne résiste pas « à la
tentation de leur confisquer leur projet ! ».[20] Les élèves ont alors tendance à très vite se
lasser. Cependant, les élèves sont
tout de même restés les véritables maîtres d'œuvre du projet. Les contraintes
de réalisation, les objectifs à
atteindre, inévitables dans un contexte scolaire, n’ont pas empêché un cheminement
personnel de la part de l'élève ni en conséquence un résultat qui a un
caractère distinctif.
b- Les
obstacles liés aux dispositifs et solutions envisagées :
Nos
écoles possédaient une salle informatique, dont les ordinateurs avaient des
capacités limitées, obéissant à une organisation qui permettait à chaque classe
de disposer d’une séance par semaine. Par conséquent, nous ne pouvions faire un
usage libre de ces salles. Nous disposions chacune pour nos classes d’un
ordinateur portable personnel dans lequel était installé le logiciel.
L’avantage est que nous disposions à tout moment de cet ordinateur quand nous
en avions besoin. L’inconvénient est que cela supposait une organisation selon
un roulement des élèves. Donc, tous les élèves n’ont pas pu manipuler de
manière équitable dans le temps le logiciel. Ceux qui avaient fait le choix
d’en faire usage pendant les temps informels étaient plus à l’aise dans
l’utilisation du logiciel.
L’idéal est que chaque
classe puisse disposer de suffisamment d’ordinateurs ou/et que les élèves
disposent de cartables numériques.
c- Les
obstacles liés à la gestion de classe :
Ne
disposant que d’un ordinateur, seul un binôme guidé par l’enseignant pouvait
faire usage de cet ordinateur. La gestion de la classe s’avérait alors problématique :
comment permettre aux autres d’avancer dans les apprentissages alors que
l’enseignant est mobilisé par un binôme ? Pour rendre possible un climat
favorable à la réalisation technique du projet, les autres élèves étaient en
évaluations ou en exercices individuels de systématisation. Ils étaient donc en
autonomie.
Certes,
les obstacles sont bien présents dans ce type de projet. Malgré ces obstacles,
ce projet vaut la peine d’être vécu : d’abord parce qu’il existe des
solutions qui impliquent de développer de nouvelles stratégies pour organiser
les activités de la classe, l’enseignement, l’environnement d’apprentissage
mais surtout parce qu’il est riche du point de vue des apprentissages pour les
élèves.
2.
Les
réussites :
L’objectif
de notre expérimentation était d’évaluer l’impact de l’intégration des TICE dans
le cadre d’un projet au plan de la motivation à l’apprentissage et au plan du
développement des compétences dans différents domaines.
a-
la motivation :
Le pari de la motivation via un projet intégrant
les TICE est donc réussi : nos classe
semblaient très investies dans la réalisation du projet et ce dès son lancement
qui leur a permis de s’approprier le projet.
Une partie des élèves préférait même passer les récréations (ou autres
temps informels) à manipuler, découvrir les différentes fonctionnalités du
logiciel, ou à continuer l’élaboration de l’album audio-visuel. Nous étions
agréablement étonnées de constater que parmi ces élèves se trouvaient de fortes
personnalités ayant des problèmes de comportement en classe qui rendaient
difficiles la gestion de
b-
les
apprentissages :
Ce projet visait essentiellement le
développement chez les élèves de la compétence d’expression orale dans
l’optique d’une approche communicative. Nous avons eu l’occasion de rencontrer
des PLC2 anglais dans le cadre d’une journée inter-degrés. Ces professeurs
stagiaires de collège lycée évoquaient souvent la faible motivation des élèves,
y compris des élèves de sixième qui n’ont que quelques mois de plus que nos
CM2. Ils observaient un blocage face à la prise de parole et un manque de
moyens linguistiques (le lexique : les mots pour le dire et les fonctions
grammaticales). Il nous semble que le projet que nous avons mis en place, en
mettant l’accent sur l’utilisation de la langue en situation de communication,
a donné à l’élève une véritable raison de prendre
Force est de constater
également que les élèves, se trouvant en petits groupes autonomes devant
l’ordinateur, développaient des capacités d’attention aux autres et de
communication. Ils ont élaboré leurs
propres méthodes de travail, appris à mémoriser, distinguer l’essentiel,
mobiliser leurs connaissances, les réutiliser dans une situation nouvelle,
construire un raisonnement, choisir des arguments, bref, penser par eux-mêmes.
Le maître est dans ces situations un guide pour ces élèves car leur apprend à
accéder aux informations par eux-mêmes et à les transformer en connaissances.
Selon Franck SERUSCLAT[22],
l’usage de l’outil numérique développe effectivement chez les élèves l’auto-apprentissage
et l’autonomie dans le travail et dans la prise de décisions.
Ces projets ont permis de mettre en place des dispositifs pédagogiques innovants dans lesquels
les savoirs et surtout les apprenants et les enseignants entrent en
interaction. Selon Marcel Lebrun, on passe ainsi d’une situation où tout est
centré autour de l’outil présentant des contenus spécifiques et des situations
fermées à une situation centrée sur l’apprenant et son projet, et où les outils
technologiques sont un facteur de dialogue entre les pôles du triangle
enseignant- apprenant savoir. D’où de
nouvelles exigences pour les uns et les autres : aux élèves d’émettre des
propositions, de les développer, les argumenter et de gérer les
incertitudes ; aux enseignants de passer du stade de pourvoyeur de
connaissance à celui de guide dans la construction de la connaissance par ses
élèves. ans ce cadre, les médias constituent un terrain fertile pour éveiller,
exercer, développer et promouvoir des compétences transversales, nécessaires
pour s’éduquer et s’insérer de façon constructive dans la société complexe qui
est aujourd’hui la nôtre.
On est en droit de se demander si les réussites
évoquées ci-dessus relèvent davantage du recours aux TICE, de l’approche par
projet ou de la combinaison des deux. Notre expérimentation ne peut répondre
objectivement à cette question. Cependant, des chercheurs ont pu mener
différentes études sur l’utilisation et l’intégration de la technologie dans les
écoles[23].
Leur objectif était d’évaluer l’impact de l’intégration des TICE sur des élèves
de niveau secondaire au plan des attitudes et de la motivation et au plan du
développement des compétences langagières en français et en anglais. Quatre
classes différentes ont été suivies au cours de la recherche : une classe
où on a recours aux TICE et à l’apprentissage par projet, une classe où on a
recours aux TICE seulement, une classe où on a recours à l’approche par projet
uniquement et une classe où on a recours ni aux TICE ni à l’approche par
projet. Résultats ? Au cours des trois premières années de l’étude, les
élèves de la première classe ont exprimé des motivations plus élevées à
apprendre l’anglais et le français et se sont montrés plus motivés à l’utilisation
des technologies pour apprendre ces deux langues que ceux des trois autres
classes. Ils ont également observé que les élèves qui travaillaient l’approche
par projet sans utiliser les TICE étaient plus motivés que ceux qui
n’utilisaient ni l’un ni l’autre.
3.
Comment ce
projet intégrant les TICE aurait pu être amélioré ?
Afin
d’amener les élèves à se donner un but personnel, un but d’équipe, pour les
aider à formuler des questions sur le sujet et à assumer leur rôle et leurs
responsabilités et pour les aider à réfléchir sur leurs apprentissages, il
aurait été souhaitable de leur fournir des contrats d’équipes, de binômes. (Voir en ANNEXE VII un exemplaire de
ce qui aurait pu être donné : contrat d’équipe)
La fin du stage concordant avec la fin de la réalisation
du projet, nous n’avons pas pu consacrer
assez de temps à la phase d’exploitation pédagogique du projet. Or, nous
pensons que c’est une erreur de ne pas faire de retour sur les contenus
d’apprentissages avec les élèves une fois le projet terminé. En effet, ce
manquement pourrait les amener à penser que l’école fonctionne selon un mode
« productif » et non « instructif et éducatif ». Isabelle BORDALLO et
Jean-Paul GINESTET[24]
évoquent cette « dérive productiviste » de la
pédagogie de projet où le produit à fabriquer est plus important que les
apprentissages visés. Elle apparaît lorsque les manifestations extérieures du
produit final priment sur les apprentissages des élèves. Le projet devient une
fin en soi aussi bien pour les élèves que pour l’enseignant alors qu’il doit
être considéré comme un moyen permettant d’acquérir des apprentissages. Le
groupe ESCOL[25] ne
préconise pas cette pédagogie du projet. Il invoque le fait qu’en se mobilisant
pour la réalisation du projet, les élèves ne se mobilisent que sur le produit
fini et pas sur les apprentissages. Cela peut également induire des effets
pervers : tout ne pouvant pas être mis en projet, les autres
apprentissages n’auraient-ils pas de sens ? Jean-Yves Rochex évoque
« l’ordinaire de la classe » et « l’extraordinaire du
projet ». Par ailleurs, la pédagogie de projet est fondée sur la
motivation liée au désir et à l’envie des élèves. Or, il est du rôle de
l’enseignant, pour assurer l’intégration future des élèves dans le monde
adulte, de leur faire prendre conscience que l’on ne fait pas toujours ce qu’il
nous plaît et qu’il existe des moments où on agit plus par nécessité que par
envie.
CONCLUSION
Pour quelles raisons alors TICE et pédagogie de
projet semblent-elles faire si bon ménage ?
Utiliser les technologies et mettre en
œuvre des pratiques pédagogiques organisées autour de projets relèvent de deux
démarches et de deux volontés distinctes. L'une peut aller sans l'autre, la
pédagogie de projet sans les TICE et les TICE sans la pédagogie de projet. Mais
l'une et l'autre vont aujourd'hui si bien ensemble que refuser de les associer
serait dommageable. C’est en effet par la finalité d’un projet intégrant les TICE que l’apprentissage des outils numériques
paraît le plus cohérent. Il ne faut donc pas partir de l’objet technique de
l’ordinateur mais de l’usage que les élèves peuvent en faire dans le cadre
d’une finalité. C’est toute la différence entre un cours informatique et un
enseignement ayant recours au multimédia. « Les
outils multimédias doivent avant tout favoriser l’acquisition de savoirs
fondamentaux. L’informatique doit être un instrument et non un objectif en
soit ».[26]
Par ailleurs, les TICE rendent possible une pluralité de projets
pluridisciplinaires permettant de travailler sur des apprentissages divers.
Cependant, l’avènement des nouvelles technologies
n’est pas la solution radicale aux problèmes actuels de l’enseignement mais au
mieux un catalyseur qui conduit progressivement l’enseignant à innover au
niveau de ses méthodes en les rendant plus centrées sur l’activité de
l’apprenant. Nous ne sommes pas emportées par l’enthousiasme lié à la
découverte des possibilités offertes par
les nouvelles technologies, ni obnubilé par leur maîtrise technique. Nous
adoptons ici la conception de Gilbert Simondon qui, dans son ouvrage Du mode d’existence des objets techniques, mettait en garde contre deux attitudes vis à vis de la
technique : la « technophobie », qui consiste à dire que
« la technique en elle-même est mauvaise et dangereuse, par nature, dans
son être propre », et « l’idolâtrie de la machine », qui dote la
technique des meilleures intentions. Nous plaçons ainsi l’utilisation des
technologies de l’éducation dans une perspective de société en devenir :
l’enjeu dépasse les quatre murs de la classe, il concerne tout citoyen.
M.Hubert préconise l’élaboration de sa
propre méthode qui, au fil des années, combinera compétences et outils divers
dans un dispositif de plus en plus performant. Il nous est apparu que la
combinaison des TICE et de la pédagogie de projet est une piste intéressante
pour les années à venir.
BIBLIOGRAPHIE
·
ARPIN Lucie et CAPRA Louise, L’apprentissage
par projets, Chenelière, 2001
·
BORDALLO Isabelle, GINESTET
Jean-Paul, Pour une pédagogie de projet,
Hachette, 1994
·
SERUSCLAT Franck dans L’école
républicaine et numérique? édition
BELIN, collection Débats, 1999
·
FROGER
Norbert, 50 activités pour réussir le
B2i, les TICE et la maîtrise du langage, SCEREN, 2004
·
HARVEY
Suzanne, Classe active, élèves
motivés ! Gérer sa classe par ateliers en intégrant les TICE, HMH, 2003
·
L’équipe
informatique 1er degré du Tarn, 50
activités phares avec les TICE à l’école, Projets d’aujourd’hui pour citoyens
de demain, CDDP Tarn, 2000
·
HUBERT Michel,
Conduire un projet-élèves, Hachette
Education, 2005
·
ROYAL Ségolène,
citée dans l’article « Les premières lignes du plan multimédia pour
l’école », Le Monde, 26-27
octobre 1997.
MAGASINES:
·
Les dossiers de l’ingénierie éducative, accéder à
la maîtrise du langage, problématiques, obstacles, outils, SCEREN, mars 2003, n°42
·
Les dossiers de l’ingénierie éducative, Les TICE et
l’école, CNDP, décembre 2000, n°33
·
HAYMORE Judith
dans « Classe branchée. Enseigner à l’ère des technologies », Les dossiers de l’ingénierie éducative, 1997
DEVEDEROM ET CEDEROM :
·
Créer un document multimédia en classe, CDROM CNDP de l’académie de Grenoble
·
Les TIC font école, quand l’école primaire relève
le défi des technologies de l’information et de la communication, DVD CRDP POITOU-CHARENTE
·
Les images en maternelle, SCEREN-CNDP
SITOGRAPHIE :
·
http://www.education.gouv.fr/bo/2002/hs1/default.htm
(BO HS N°1 14/02/2002)
·
http://tice.education.fr/educnet/Public/primaire/usages_primaire/pri mtice4551?affdoc=3
·
http://txtnet.com/ote/Une%20question%20impossible.htm
·
http://www.schoolnet.ca/accueil/f/
Grégoire R. et Laferrière T., 1999, Apprendre ensemble par projet avec l'ordinateur en
réseau
·
http://www.rescol.ca/alasource/f/index.asp intégration des TICE
en classe canadienne
·
http://www.etwinning.net/ww/fr/pub/etwinning/news/interviews/interview_with_derrick_de_kerc.htm
·
http://www.csportneuf.qc.ca/sedprojet/
(site internet canadien consacré à la pédagogie de projet)
·
http://ntic.org/guider/textes/div/bibscenario.html
(guide de rédaction et de présentation d’un scénario pédagogique et d’une
activité d’apprentissage)
SOMMAIRE
DES ANNEXES :
ANNEXE I : Schéma extrait de Apprendre en projets, Chronique sociale,
collection « pédagogie formation », 2005
ANNEXE II : schéma sur les effets attendus
d’une pédagogie de projet
ANNEXE III : organigramme du projet pédagogique
ANNEXE IV : cadre de planification du projet
ANNEXE V : scénarios pédagogiques des projets
Winnie
ANNEXE VI : organigrammes de projets à dominante
artistique et scientifique réalisés aux cycles 1 et 2 ; séquence sur les
solides et fiches de préparations des séances intégrant les TICE
ANNEXE VII: contrat d’équipe
ANNEXE VIII : CDROM des adaptations
audio-visuelles des albums Winnie the
witch et Winnie in winter
RESUME
L’intégration des TICE permet, dans le cadre d’un
projet pluridisciplinaire, de motiver les élèves mais aussi de construire des
compétences dans plusieurs domaines. L’élève est acteur et auteur de ses
apprentissages. L’enseignant est en position de médiateur : il guide
l’élève dans la construction de ses compétences. TICE et pédagogie de projet
s’enrichissent mutuellement : les TICE apportent au projet, qui rythme la
vie des classes et des écoles, un enrichissement et une dimension
supplémentaires ; les TICE au service d’un projet sont ainsi à leur juste
place : un outil au service des apprentissages.
MOTS CLES :
-
TICE
-
PEDAGOGIE DE PROJET
-
MOTIVATION
-
APPRENTISSAGES
-
PLURIDISCIPLINARITE
[1] POUTS-LAJUS Serge, Une question impossible, Observatoire des technologies pour
l’éducation en Europe (OTE) http://txtnet.com/ote/Une%20question%20impossible.htm
[2] Le B2I fait partie intégrante des programmes d’enseignement de l’école primaire (B.O. H.S. n°1 14/02/2002)
[3] Actuellement, certains didacticiens s’accordent
pour regrouper les modèles de l’apprentissage selon trois courants : le
modèle transmissif, le modèle béhavioriste et le modèle socio-constructiviste.
[4] HUBERT Michel, Conduire
un projet-élèves, Hachette Education, 2005, p 11
[5] HUBERT Michel,
Apprendre en projets, Chronique sociale, collection pédagogie formation,
2005
[6] GREGOIRE R. et LAFERRIERE T., Apprendre ensemble par projet
avec l'ordinateur en réseau, 1999. Guide à l'intention des
enseignants ayant déjà expérimenté l'approche par projet dans le cadre du programme Rescol
à la source ou désireux de s'engager dans des expériences plus
ou moins semblables avec leurs élèves,
sur Rescol (réseau scolaire canadien) http://www.schoolnet.ca/accueil/f/
[7] Jean Vial, Pédagogie du projet, INRP, 1975
[8] http://www.rescol.ca/alasource/f/index.asp
Ce programme encourage et facilite l’utilisation efficace des TICE
dans les salles de classes canadiennes. Les élèves de la maternelle à la 12e
année acquièrent des connaissances grâce à la mise sur pied de projets
multimédias collaboratifs et innovateurs en ligne. Du financement est offert
aux écoles qui complètent un projet Rescol à la Source selon les directives
établies. Ces projets conçus, lancés et mis en œuvre par l'enseignant et les
élèves, sont conformes au programme scolaire et portent sur les activités
d'acquisition de connaissances entreprises au moyen d'Internet.
[9] Voir De Kerckhove http://www.etwinning.net/ww/fr/pub/etwinning/news/interviews/interview_with_derrick_de_kerc.htm
[10] OTE : Observatoire des technologies pour l’éducation
en Europe
[11] ARPIN
Lucie et CAPRA Louise, l’apprentissage
par projets, éditions Chenelière, 2001
[12] Les documents
multimédias sont variés : on parle de médias numériques, électroniques ou
plus généralement de multimédias. Ces documents sur supports numériques
articulent des images, du son, et du texte. Ils sont consultables à travers un
système informatique. Ces documents se présentent sur des supports hors ligne
(cédéroms) ou en ligne (Internet).[12]
Pour notre part nous avons choisi de faire un usage exclusivement hors ligne du
document multimédia qu’est l’adaptation audio-visuelle de l’album.
[13] Voir organigramme du projet pédagogique en ANNEXE III
[15] ARPIN Lucie et CAPRA Louise, L’apprentissage par projets, Chenelière, 2001
[16] ARPIN Lucie et CAPRA Louise, L’apprentissage par projets, Chenelière, 2001
[17] Voir les adaptations audiovisuelles réalisées par
nous-mêmes sur le DVD
[18] HUBERT Michel,
Conduire un projet-élèves, Hachette
Education, 2005, p 11
[19] BORDALLO Isabelle, GINESTET Jean-Paul, Pour une pédagogie de projet, Hachette, 1994
[20] HUBERT Michel, Conduire
un projet-élève, Hachette Education, 2005
[21] HAYMORE Judith,
« Classe branchée. Enseigner à l’ère des technologies », dans Les dossiers de l’ingénierie éducative, 1997.
[22] Franck SERUSCLAT dans L’école républicaine et
numérique ? Edition BELIN,
collection Débats, 1999
[23] grâce à l’action concertée sur les TICE en
éducation du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies
et du Ministère de l’Education du Québec
[24] BORDALLO Isabelle, GINESTET Jean-Paul, Pour une pédagogie de projet, Hachette, 1994.
[25] L'équipe ESCOL, fondée en 1987 par Bernard
Charlot, aujourd'hui sous la responsabilité d'Elisabeth Bautier et de Jean-Yves
Rochex est une composante de l'équipe d'accueil ESSI (Education Socialisation
Subjectivation Institution), regroupement, à la demande du ministère, d'ESCOL
et du LSE de Paris VIII.
ESSI est rattachée à l'école doctorale Pratiques et théories du sens de
l'Université Paris VIII.
[26] ROYAL Ségolène,
citée dans l’article « Les premières lignes du plan multimédia pour
l’école », Le Monde, 26-27
octobre 1997.