KIABIYA RUIZ Karine

POMMEROLE WARGNIES Sandrine

PE2 groupe 8 – année 2005/2006

IUFM de CERGY – Académie de Versailles

 

 

MEMOIRE PROFESSIONNEL

 

 

 

TICE ET PEDAGOGIE DE PROJET

Sous la direction de M. BOURDEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

 

INTRODUCTION…………………………………………………………………………………………….3

                         

I)     La genèse des TICE et de la pédagogie de projet : les TICE à l’origine de la pédagogie de projet ?............................................................6

 

  1. Définition de la pédagogie de projet………………………………………………….6

 

  1. Retour historique…………………………………………………………………………………8

a)    Les pionniers……………………………………………………………………………..9

b)    La jonction avec un mouvement plus large…………………………..12

c)     Les années 1990……………………………………………………………………..13

 

 

II)   Une démarche en trois phases…………………………………………………….………16

 

  1. Préparation du projet………………………………………………………………….…...16

a)    Le choix du projet……………………………………………………………………16

b)    Le cadre de planification du projet………………………………….......20

 

  1. L’exécution du projet………………………………………………………………………..20

a)    Lancement du projet……………………………………………………………….20

b)    La réalisation et la communication du produit……………………….22

 

 

III)          Analyse de nos expériences………………………………………………………………24

 

  1. Obstacles, difficultés et solutions proposées…………………………………..24

a)    Obstacles liés à la technique et solutions envisagées……......24

b)    Obstacles liés au dispositif et solutions envisagées……………..25

c)     Obstacles liés à la gestion de la classe………………………………….26

 

  1. Les réussites………………………………………………………………………………………26

a)    La motivation…………………………………………………………………………..26

b)    Les apprentissages………………………………………………………………….28

 

  1. Comment améliorer ce projet intégrant les TICE?........................30

 

 

CONCLUSION………………………………………………………………………………………………32

 

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………………….34

 

SOMMAIRE DES ANNEXES………………………………………………………………………….36

 

ANNEXES

 

INTRODUCTION :

 

 

Un cours de TICE lors de notre préparation au concours en PE1 nous a fait ressentir ce que l’intégration des TICE dans le cadre d’un projet pouvait apporter en terme d’apprentissage et de motivation. A notre tour, nous voulions partager cette expérience dès l’année de PE2 avec les élèves dont nous aurions la responsabilité en stage.

S’il paraît moins aisé de mettre en place divers projets intégrant les TICE dans le cadre des stages en responsabilité, c’est néanmoins ce cadre de travail que nous avons choisi pour l’élaboration de notre mémoire. Plusieurs raisons expliquent ce choix : une mise en condition « réelle » par rapport aux années à venir, la nature même de notre sujet qui manifeste la volonté de lier la question de l’intégration des TICE à un projet pluridisciplinaire fort car concentré dans le temps. En utilisant nos divers stages en responsabilité comme « base d’opérations » nous visons la facilitation d’une évolution de la classe vers une communauté d'apprenants motivés. Ce qui peut en premier lieu et principalement justifier ces choix est l’enrichissement de la communication pédagogique au sein de la classe ainsi que la conduite de tous les élèves à un progrès dans la croissance et la qualité de leurs apprentissages.

« Comme il y a des croyants et des athées, il y a aussi des partisans des TICE et des adversaires des TICE, mais aussi des agnostiques qui ne se prononcent pas, soit parce qu’ils attendent qu’une preuve leur soit apportée, d’un côté ou de l’autre, soit qu’ils considèrent la question comme insoluble ou sans intérêt. »[1] Nous sommes des «croyants des TICE» et nous pensons que la généralisation de l’usage des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement constitue un enjeu majeur pour le système éducatif. Former les élèves à leur utilisation relève de sa mission d’offrir une véritable égalité des chances dans une société où maîtriser  leur langage devient indispensable à l’insertion professionnelle. Pour cette raison, nous devons intégrer ces nouveaux outils dans nos pratiques. La question de l’intégration des TICE aux enseignements nous semble donc aujourd’hui dépassée. Il convient plutôt de se poser la question du «comment », celle de la méthode qui déploiera les potentiels de l’outil pour celui qui apprend. Les technologies peuvent constituer la meilleure et la pire des choses ; à nous de les faire pencher du bon côté. Comment donc et à quelles conditions l’intégration des TICE peut-elle aider les élèves à construire, à améliorer leurs compétences dans quelque domaine que ce soit ?

Nous avons émis l’hypothèse que l’approche des compétences transversales détaillées dans le B2i[2] par des projets recouvrant les différents domaines disciplinaires et mettant en œuvre différents outils informatiques est la plus pertinente.

Cette hypothèse de travail a été formulée à partir d’une intuition : à cette étape de notre travail, nous pensions que les TICE et la pédagogie de projet feraient bon ménage et que ce mariage heureux n’était pas le fruit d’une coïncidence. Il nous restait à valider ou invalider cette  hypothèse par une réflexion théorique assortie de diverses  «expérimentations».

Quels apports alors et quelle place pour les TICE dans la conduite d’un projet de classe ? Comment les TICE modifient-elles la pédagogie par le projet ? Quel est le rôle de l'enseignant, de l'élève dans ce type de projet ? Ces questions vont servir de fil conducteur à l’analyse de notre sujet sur les TICE. C’est donc d’un point de vue pédagogique et non technique que nous traiterons la question de l’intégration des technologies dans l’enseignement.

 

                                   I.      Genèse des TICE et de la pédagogie de projet : les TICE  à l’origine de la pédagogie de projet ?

 

On apprend par divers chemins[3]. L'un d'entre eux consiste à accéder au savoir par le projet.

1.    Définition de la pédagogie de projet :

 

Le mot projet vient du latin « projicere »: jeter en avant expression se traduisant en grec par « proballein » qui donnera le mot problème. L’étymologie révèle ici le lien étroit entre les termes projet et problème.

La pédagogie de projet est définie par Michel Hubert comme « un mode de finalisation de l’acte d’apprentissage. L’élève se mobilise et trouve du sens aux apprentissages dans une production à portée sociale qui le valorise. La résolution des problèmes rencontrés  au cours de cette réalisation va favoriser la production et la mobilisation de compétences et de savoirs nouveaux »[4]. Il illustre cette définition d’un schéma (ANNEXE I) particulièrement éclairant extrait de Apprendre en projets[5]. A la lecture de celui-ci, on comprend mieux comment le projet donne du sens aux apprentissages. Un projet est avant tout la réalisation d’un produit socialisable destiné à un ou plusieurs utilisateurs extérieurs à la classe, ce qui permet aux élèves de faire des choses «pour de bon » et non pas pour faire plaisir à l’enseignant. C’est l’idée fondamentale de la pédagogie de projet : faire que l’école ressemble davantage à la vie, déscolariser les apprentissages, échapper à «la forme scolaire», notion avancée par l’historien et sociologue Guy Vincent et reprise par le sociologue Bernard Lahire qui présente l’école comme milieu fondamentalement artificiel et où tout est réglé selon une certaine forme qui appartient en propre à l’école et qui n’est pas naturelle. Dans la pédagogie de projet, toutes les activités  sont organisées autour d’une réalisation finale : l’idée est de « casser » ce que la forme scolaire a d’arbitraire et de remettre en cause le découpage des disciplines. Pour cela, il s’agit de mobiliser chez les élèves des savoirs et des savoir-faire qu’ils maîtrisent déjà ou leur en faire acquérir de nouveaux dans différents domaines. Les élèves seront alors amenés à  surmonter les difficultés rencontrées, les problèmes à résoudre et à avancer dans la réalisation du projet. Une fois le produit achevé, le destinataire signifie son degré de satisfaction, c’est l’effet feed-back qui est au cœur du processus d’évaluation du projet et qui contribue à la construction de l’image de soi positive. Les enjeux de la pédagogie de projet sont donc à la hauteur des exigences qu’elle représente pour l’enseignant : enrichissement des savoirs, développement des compétences et construction de l’identité comme l’illustre ce schéma sur les effets attendus d’une pédagogie de projet. (ANNEXE II)

Grégoire R. et Laferrière T. font remarquer dans un guide à destination des enseignants[6] que ces dernières années, l'intérêt que l'on a manifesté dans de nombreuses classes pour une approche par projet a souvent été de pair avec l'apparition dans les mêmes classes de nouveaux médias. Tant au Canada qu'aux États-Unis, un enseignement organisé autour de projets, de plus en plus fréquemment avec le concours d'ordinateurs en réseau, est devenu un moyen de motiver les élèves, d'accroître la collaboration entre eux, de renouveler la pédagogie et, avant tout, de donner davantage de sens à l'apprentissage scolaire. S'agit-il d'une simple coïncidence, les facteurs responsables de cette situation étant tout autres? Ou doit-on attribuer aux pouvoirs de la technologie la naissance d'un courant pédagogique? Pour répondre à cette question, un retour historique s'avère nécessaire.

2.    Retour historique :

Le concept de projet est apparu dans des conditions historiques déterminées ; sa première apparition l’associe à l’architecture (on parle de projet architectural montrant ainsi la volonté de distinguer l’œuvre de sa conception). Il a ensuite été repris en philosophie et en pédagogie. Jean-Jacques Rousseau esquisse dans l’Emile ce qui deviendra la pédagogie du projet. A la charnière des XIXe et XXe siècles, les premières expériences concrètes relevant du projet apparaissent dans les écoles actives allemandes, américaines et soviétiques, et dans les débuts du groupe français de l’Education Nouvelle.

Certains chercheurs comme Henri Wallon et Jean Piaget contribuent à renforcer la base théorique de la pédagogie de projet en permettant aux éducateurs nouveaux de puiser dans leurs travaux des justifications scientifiques. Pour Henri Wallon, le moteur de la construction intellectuelle est l’activité propre de l’enfant. Pour Jean Piaget les connaissances ne sont pas transmises de quelqu’un qui sait vers quelqu’un qui ne sait pas. Elles sont construites par l’individu par l’intermédiaire des actions qu’il accomplit sur des objets. Ces actions sont intériorisées et constituent les schèmes qui s’organisent et permettent à l’individu de répondre de manière satisfaisante à une situation. Ces expériences vont déboucher sur une première théorisation, celle de Jean Vial[7]. Cette première théorisation est liée à un ensemble de circonstances : dénonciation de l’échec scolaire ségrégatif, échec dans l’enseignement du français. On assiste à partir de ce moment là à une multiplication des pratiques relevant de la pédagogie de projet et à la naissance de mouvement ou de groupes comme le Groupe Français de l’Education Nouvelle. Le mot « projet » finit par apparaître dans les textes et les Instructions officielles sous les termes de « projet d’action éducative », de « projet pédagogique » ou de « projet d’école ». Dans les années 1980, la pédagogie de projet est également mise en pratique en Amérique du Nord, particulièrement au Québec.

a-    Les pionniers :

Un constat s'impose : l'idée d'un enseignement organisé à partir de projets qui impliquent des contacts à l'extérieur de l'école, une activité manuelle et une collaboration entre élèves fait depuis des siècles partie du corpus de la pédagogie. Cependant, c'est seulement à la fin du XIXe siècle que l'on a commencé à faire de l'apprentissage par projet une composante centrale de l'enseignement dans une école ordinaire et à étudier les conditions nécessaires à son efficacité. L'une des toutes premières expériences réalisées dans ce sens a été mise en œuvre dans l'école-laboratoire fondée par le philosophe et pédagogue John Dewey (1859-1952) et rattachée à l'Université de Chicago. Rappelons que, à l'intérieur de cette école primaire, les élèves étaient subdivisés en équipes et s'activaient autour de projets concrets. C'est, dans une large mesure, dans le cadre de ces projets qu'ils apprenaient à lire, à écrire, à compter, à être attentif aux autres, à assumer des responsabilités et à effectuer plusieurs autres apprentissages. Sa doctrine c’est apprendre en faisant (learning by doing) ; l’enfant doit agir, construire des projets, les mener à leur terme, faire des expériences, apprendre à les interpréter : c’est l’apprentissage par l’action. Au moins trois des convictions de Dewey justifient cette façon de faire : tous les élèves, pour apprendre, doivent être actifs et produire quelque chose; tous les élèves doivent apprendre à penser ou, ce qui, pour Dewey, revient sensiblement au même, apprendre à résoudre des problèmes; enfin, tous les élèves doivent se préparer à vivre en société et, en conséquence, apprendre à collaborer avec d'autres personnes.

Le principal théoricien d'un enseignement centré sur la réalisation de projets en classe a été le psychologue William H. Kilpatrick (1871-1965). L'article qu'il a publié en 1918, sous le titre général "The Project Method", a eu, dans les milieux de la formation des maîtres aussi bien que dans les écoles, un retentissement considérable. Ce professeur et chercheur au Teachers College de l'Université Columbia a aussi, par la suite, largement contribué à la diffusion de cette "méthode" à travers ses cours, ses conférences et un volume publié en 1925. Pour Kilpatrick, un projet est une activité qui possède un but précis, engage dans sa totalité la personne qui l'accomplit et se déroule dans un environnement social. Dans les explications qu'il en donne, il ressort que l'élément déterminant est l'existence d'un but.

En Europe, plusieurs pédagogues ont aussi œuvré dans le sens de ce que l'on a appelé une "pédagogie par projet". Tel est le cas, par exemple, pour l'Ukrainien A.S. Makarenko (1888-1939). Il a été instituteur, puis directeur, dans des écoles ordinaires. Mais ce sont surtout ses principes et ses pratiques, alors qu'il dirigeait des communautés de travail accueillant des enfants abandonnés et de jeunes délinquants, qui l'ont fait connaître et ont inspiré de nombreux enseignants dans divers pays. Parmi ces principes et ces pratiques, figurent, rappelons-le, une confiance quasi illimitée dans les pouvoirs de l'éducation et la capacité d'évolution des jeunes, la prise de responsabilité, et le besoin de "perspectives" et de buts.

Le pionnier européen le plus connu de l'apprentissage par projet est Célestin Freinet (1896-1966). L'influence qu'il a exercée sur cet aspect, comme sur bien d'autres, de l'école "moderne" ou "nouvelle" a été et demeure forte. En l'occurrence, il convient de noter que la place qu'il a accordée à l'utilisation en classe d'outils technologiques de son temps concorde remarquablement avec celle que ce mémoire propose que l'on fasse des médias d'aujourd'hui. Dans les "classes Freinet", les élèves disposent de livres et d'autres documents écrits, mais aussi de presses à imprimer, de phonographes, de magnétophones et de divers autres instruments de nature technologique. D'autres technologies ont, par la suite, été utilisées dans le même esprit dans les écoles influencées par la pédagogie Freinet. Ce sont autant les élèves que les enseignants  qui utilisent, selon leurs besoins, ces instruments. Ensemble, ils forment une communauté de travail sans cesse en devenir. La classe est donc d'abord un lieu où tous s'appliquent à un travail, c'est-à-dire un lieu où l'on recherche des informations, où l'on échange des opinions ou des trouvailles, où l'on répond ensemble à une lettre reçue d'une autre classe d'élèves, où l'on prépare des enquêtes en dehors de la classe, où l'on analyse des données et où l'on s'exprime à travers des textes réunis dans un journal, des présentations orales, des représentations théâtrales, des montages sonores ou photographiques. Dans un tel environnement, la collaboration s'impose d'elle-même. La manière dont on aborde le travail contribue aussi à créer une certaine communauté de vie. L'ambition de Freinet est, en bref, de former un être humain qui possède une tête bien faite, plutôt que bien pleine, des "mains expertes" et la capacité de participer à une activité constructive au sein d'une communauté "qu'il sert et qui le sert".

Parmi les changements que le Groupe français d'éducation nouvelle a proposé sur l'école et essayé d'implanter, la pédagogie du projet occupe une place privilégiée. Les éducateurs membres de ce groupe, ont expérimenté une approche par projet avec des élèves de tout âge, dans la plupart des matières, autour de thèmes pluridisciplinaires et interdisciplinaires, avec des moyens très variables et dans les contextes scolaires les plus divers. En général, le Groupe français d'éducation nouvelle met l'accent sur des projets qui ont un lien avec des situations ou des problèmes concrets et de caractère social. Il a posé comme principe que tout projet devait conduire à des transformations dans la vie de l'élève, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'école. Tout projet scolaire doit, en somme, tendre à devenir un projet de vie. Aussi, cette pédagogie se situe-t-elle sans équivoque du côté des tenants d'une construction de son propre savoir et d'une participation au développement du savoir lui-même par l'élève. En effectuant cette démarche, l'élève développe un esprit de recherche, d'expérimentation et de collaboration et améliore sa maîtrise de méthodes, de connaissances, d'habiletés intellectuelles et d'attitudes, mais aussi, plus profondément, il acquiert un pouvoir sur la sélection et l'utilisation de l'information et, par voie de conséquence, sur le réel.

b-    Une jonction avec un mouvement plus large :

L'approche par projet s'appuie donc sur une tradition qui en a déjà éprouvé les fondements et les résultats. En outre, même si cette approche n'est jamais devenue une pratique régulière que dans un nombre restreint de classes, on ne peut pas la considérer comme une orientation pédagogique marginale. En effet, elle a pris racine à l'intérieur d'un mouvement socio-éducatif durable qui, depuis le tout début du 20e siècle, tant en Amérique du Nord qu'en Europe, propose des changements majeurs dans l'enseignement scolaire. Selon les lieux et les moments, ce mouvement a pris, entre autres, les appellations d'école "nouvelle", "moderne", "sans murs", "active" ou "alternative", de "free school", d'"activity movement" ou de "progressive education".

La pierre d'assise de ce mouvement est une attention portée à chaque élève : à son milieu d'origine, à ses acquis, à sa motivation, à ses centres d'intérêt, à ses méthodes de travail, en bref à son individualité. De multiples expériences ont démontré que le respect de cette orientation fondamentale entraînait plusieurs conséquences. L'une d'entre elles est que l'on doit prévoir, à l'intérieur de la classe, de nombreuses activités auxquelles les élèves participent et ces activités doivent fournir aux élèves l'occasion d'adopter une attitude de recherche, d'explorer, d'échanger entre eux, de travailler avec leurs mains, de faire quelque chose ensemble et de s'exprimer de diverses manières. Une autre conséquence d'un enseignement centré sur l'élève est qu'il faut, très souvent, revoir les contenus proposés; ceux-ci doivent avoir un sens par rapport à des préoccupations personnelles ou à des réalités naturelles ou sociales que l'élève est lui-même en mesure d'observer ou de faire siennes par quelque autre moyen. De tout ceci, il résulte que l'enseignant doit transmettre directement moins d'informations et donner moins de directives, mais devenir plutôt un guide, au double sens de ce terme, à savoir une personne qui connaît et indique des chemins qui conduisent à l'apprentissage souhaité et une personne qui possède la capacité d'en aider une autre à dépasser ses tâtonnements, ses hésitations ou son manque de confiance en elle-même, qui l'"accompagne" en quelque sorte dans son évolution. 

c-     Les années 1990 :

L'approche par projet n'est donc pas une idée neuve, mais, telle qu'elle s'affirme depuis quelques années, elle contient du neuf. En outre, le développement de la TICE élargit à un tel point ses potentialités que beaucoup pensent qu’il s’agit là d’une nouveauté.

Les expériences qui ont commencé à exploiter ces potentialités sont de plus en plus nombreuses en Amérique du Nord comme le programme Rescol à la source[8]. La plupart d'entre elles illustrent ce que l'on peut accomplir avec des moyens très modestes. Il en existe des centaines d'autres plus ou moins semblables. Ces perspectives, dans la recherche en cours en vue d'une utilisation appropriée et efficace des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans un contexte scolaire, paraissent prometteuses. Les TICE disposent en effet du pouvoir d'accroître considérablement les "connexions" à l'intérieur du cerveau de chaque personne, de même qu'entre plusieurs personnes[9]. Cependant, un bon nombre de ces connexions ne se produiront et, a fortiori, ne conduiront à des apprentissages significatifs que si elles sont soutenues et finalisées par un projet.

Certains diront que la question de l’efficacité pédagogique des TICE est une question redoutable voire impossible. L’efficacité d’un dispositif éducatif se mesure généralement par les effets que celui-ci exerce sur l’état cognitif du sujet apprenant. On mesurera par exemple l’efficacité d’une méthode d’apprentissage de la lecture fondée sur l’exploitation d’un logiciel en constituant plusieurs groupes d’élèves dont certains apprendront à lire avec le logiciel et d’autres en suivant une méthode plus traditionnelle. Selon l’OTE[10], ce type d’expérience est facile à concevoir en théorie mais long et coûteux à mettre en œuvre concrètement. De tels projets sont rarement entrepris, du moins en Europe. Aux Etats-Unis, ils sont plus nombreux. Leurs conclusions donnent majoritairement l’avantage aux TICE mais un nombre non négligeable d’études concluent à l’absence d’effet significatif des méthodes sur les résultats. Se pose également le problème du respect du processus expérimental et de l’interprétation des résultats. Mais la méthode expérimentale n’est peut-être pas la seule à notre disposition pour démontrer l’efficacité des TICE. D’autres voies sont possibles et nous avons choisi l’une d’elle : une approche plus empirique.

 

II. Une démarche en trois phases :

 

Cette démarche comporte trois phases: la préparation, la réalisation et la communication du projet.

1-    La préparation du projet

Dans le premier temps, l’enseignant «  se met en projet d’intervenir »[11]. Autrement dit, il se prépare à accompagner les élèves dans leur construction de savoirs et détermine ses outils intellectuels les plus appropriés pour favoriser les apprentissages.

a-    Le choix d'un projet : adaptation audiovisuelle d’un album en langue étrangère sur document multimédia[12]: une aventure créative

La pertinence pédagogique du projet et sa faisabilité sont les deux critères qui ont orienté notre choix. Nous sommes parties des compétences que nous voulions développer chez les élèves[13] notamment en anglais, à savoir la compréhension et la production orale et nous les avons inscrites dans le cadre d’un projet intégrant les TICE. La démarche vise donc à intégrer les TICE au service d’un projet de langue vivante, l’informatique est un outil au service de la réalisation d’un document audio-visuel. L’ordinateur n’est qu’un instrument, c’est bien ainsi qu’on s’en sert dans la vie de tous les jours et c’est ainsi qu’a été pensé le B2I  qui valide l’acquisition d’une culture informatique de base sans pour autant constituer une matière séparée des enseignements habituels.

Le fait de produire un  produit fini communicable nous a semblé être un réel enjeu et un vecteur de motivation. Nous proposons donc aux enfants de réaliser un diaporama pour présenter un conte étudié : «  Winnie the witch » et Winnie in winter »  puis reformulé en anglais. Chaque enfant recevra un cédérom du travail effectué.

 

Plusieurs raisons expliquent le choix de cet album :

-         le format de l’album permet une manipulation facile pour le maître et une bonne lisibilité des illustrations même face à un grand groupe classe.

-         L’adéquation de significations entre le texte et les images est très forte ce qui facilite la compréhension.

-         Les structures utilisées dans le texte sont répétitives, facilement mémorisables et surtout réutilisables par les élèves.

-         L’histoire propose une situation drôle qui motive les enfants

 

L’enseignant doit maîtriser parfaitement le texte de l’histoire, connaître les images de l’album. Il doit avoir effectué un travail préalable de repérage des structures employées et du lexique qu’il soit déjà connu ou non par les élèves.

 

Cette démarche de projet balaye divers champs de compétences.

 

Objectifs linguistiques :

Ecouter et comprendre:

-         mettre les enfants en situation d’inférer le sens d’un album en s’appuyant sur les bases du vocabulaire, les structures grammaticales connues et les illustrations.

-         Reconnaître les schémas intonatifs principaux.

-         Prendre appui sur les mots transparents et le vocabulaire connu pour comprendre l’essentiel.

-         Identifier le jalonnement chronologique dans un récit.

 

La narration d’histoires permet de plonger les élèves dans un bain linguistique où la langue cible devient le moyen d’atteindre le plaisir de la connaissance d’un récit. Cette activité correspond à une situation de compréhension orale authentique. Elle permet de développer les capacités de compréhension (stratégies de prises d’indices et de vérifications d’hypothèses), de production (expansion spontanées du vocabulaire, des structures langagières etc.) de l’élève et parallèlement de vérifier ses acquis. Les enfants, petits ou grands aiment les histoires ! La narration d’histoire se situe dans un contexte positif, d’écoute et de calme. Elle sera ainsi nécessairement liée à la notion de plaisir et de complicité entre l’élève et le narrateur. L’attention et la mémorisation sont aussi motivées par la recherche du sens de l’histoire.

 

S’exprimer à l’oral :

-         Reproduire des énoncés en respectant les schémas accentuels et intonatifs  et en réalisant correctement les phonèmes.

-         Personnaliser des énoncés connus en modifiant quelques éléments dans le respect de la morphosyntaxe.

 

Renforcement de la maitrise de la langue : réflexion sur le fonctionnement de la langue afin d’établir qu’une langue n’est pas calque d’une autre et enclencher un début de réflexion sur les fonctionnements comparés de 2 langues.

 

Objectifs informatiques :

 

Maitriser les premières base de la technologie informatique

- Utiliser à bon escient le vocabulaire spécifique nécessaire à la désignation du logiciel utilisé pour  permettre la saisie, le traitement, la mémorisation et la transmission d’informations.

- Recourir à l’utilisation de la souris et à quelques commandes clavier.

- Ouvrir un fichier existant, enregistrer un document dans le répertoire par défaut.

- Ouvrir et fermer un dossier.

 

Adopter une attitude citoyenne face aux informations véhiculée par les outils informatiques :

- Prendre conscience que les images peuvent être objet de montage.

- Savoir que les données et les logiciels ont un propriétaire et qu’il faut respecter cette propriété.

 

Produire, créer, modifier, exploiter un document à l’aide d’un logiciel de montage

 

Autres domaines :

Education musicale : les objectifs du cycle 3 sont pleinement visés si on fait le choix d’insérer du son produit pas les enfants ou choisis par eux pour accompagner le diaporama. De plus, la sélection de sons dans une banque de données relève de l’explicitation de choix argumentés.

 

Education civique : respect et écoute de l’autre, organisation collective… sont particulièrement importantes dans ce type de sujet.

 

Remarque : Cette démarche est transférable dans d’autres champs disciplinaires comme la production d’écrit : création de fiction, compte rendu de visites de classe transplantée. Cette démarche peut également concerner la présentation d’exposés en histoire géographie.

 

b-    Cadre de planification du projet :

Philippe Meirieu a écrit : « la pédagogie de projet présente une avancée décisive dans l’organisation pédagogique à condition de respecter certaines exigences méthodologiques indispensables à son efficacité ». Nous avons donc commencé par élaborer un cadre de planification de notre projet à partir d’un site internet canadien consacré à la pédagogie de projet[14] et de l’ouvrage de Lucie ARPIN et Louise CAPRA[15]. Nous avons complété ce document, fourni en ANNEXE IV, en vue d’organiser au mieux notre projet de stage. L’intérêt majeur de ce cadre de planification est qu’il est transférable pour n’importe quel projet.

2- L’exécution du projet :

a-               Lancement du projet :

Lucie ARPIN et Louise CAPRA[16] préconisent une interaction avec ses élèves pour les guider dans les différentes phases du projet : l’élaboration du projet, sa réalisation et sa communication. Les conditions de mises en œuvre de ce projet, dans le cadre du stage et du mémoire, ont fait qu’il n’y a pas eu d’interaction dans la phase d’élaboration du projet puisqu’il était entièrement apporté par nous. Il nous fallait donc un temps fort pour que les élèves se l’approprient : c’est le lancement du projet[17].

La séance de lancement du projet visait deux objectifs :

·  La motivation des élèves à l’élaboration du projet d’adaptation audio-visuelle des albums  Winnie the witch et Winnie in winter.

Lors de la préparation d’un projet collectif, l’objectif que l’enseignant doit se fixer vise la motivation des élèves et leurs capacités à s’engager afin de construire des savoirs par la médiation de l’enseignant. L’enseignant doit être attentif aux goûts et aux intérêts des élèves afin de concevoir des projets signifiants pour eux et qu’ils pourront s’approprier. Pour cela, l’enseignant doit prendre en compte le milieu dans lequel vivent les élèves. Or, les élèves de nos classes semblaient correspondre aux caractéristiques de « la génération écran » : jeux vidéo, visionnage de  films vidéos sur support dévédérom ou cassette, Internet, sont des activités courantes pour ce type de classe d’âge. Nous avons fait le pari alors de penser que l’intérêt des élèves allait être stimulé par l’utilisation des nouvelles technologies.

·        Permettre aux élèves d’avoir ainsi une idée du produit fini auquel aboutira le projet.

Il s’agit pour les élèves de prendre conscience que le produit final est artistique mais nécessitera des outils technologiques. Ils comprendront ainsi que le projet vise un travail pluridisciplinaire qui se prête aisément à un dépassement des matières traditionnelles et appelle l'établissement de nouvelles "connexions". Il est artistique parce que l’outil multimédia permet aux enfants de fabriquer leurs propres multimédias comme la réalisation d’un cédérom portant sur l’image et la mise en page. C’est donc une activité de création. Le travail est  technologique : apprentissage d’un langage et manipulation de différents outils informatiques. Créer un document multimédia est aussi un travail en éducation civique : ils prennent conscience des manipulations possibles et deviennent pour cela un public averti des outils multimédia. Esprit de rigueur, organisation du travail, organisation entre groupes sont nécessaires.

Le visionnage d’un exemple de produit fini leur révèle aussi qu’ils peuvent eux-mêmes être à la fois les auteurs d’un tel produit et les acteurs de leur formation à la création de ce produit.

La modalité choisie pour ce lancement du projet devait donc permettre une réelle appropriation par les élèves du projet mais la contrepartie est l’effet modélisant que risquait de représenter l’adaptation audiovisuelle d’un autre album, ce qui pouvait être gênant car une de nos intentions était de leur laisser une plus grande liberté d’action dans les phases de réalisation et de présentation.

b-la réalisation et la communication du produit :

C'est au cours de cette phase, que le projet prend forme et devient vivant, que l'on réalise le projet. La production ne peut être réalisée que si les élèves produisent et mobilisent des compétences et des savoirs nouveaux qui permettent la résolution des problèmes rencontrés  au cours de cette réalisation.[18]

Le projet se déroule donc sur trois semaines en deux étapes: les deux premières semaines sont réservées en grande partie à l’acquisition des connaissances nécessaires non seulement à la compréhension de la lecture orale des albums  Winnie the witch et Winnie in winter mais aussi à la production de phrases à venir accompagnant les illustrations. La dernière semaine est réservée essentiellement à la réalisation technique de l’adaptation audio-visuelle de l’album. Cependant, dès la première semaine, des élèves volontaires testent les diverses fonctionnalités du logiciel pendant les temps informels. Cette première manipulation libre vise deux objectifs : d’une part, laisser le temps aux élèves d’expérimenter et de comprendre le logiciel et, d’autre part, permettre à l’enseignant d’évaluer leur maîtrise de l’outil informatique.

 

Nous vous renvoyons aux scénarios pédagogiques joints en ANNEXE V pour davantage de précisions concernant le déroulement de cette phase.

 

III. Analyse de nos expériences :

 

1.    Obstacles/difficultés rencontrés et solutions proposées:

a-    obstacles liés à la technique et solutions envisagées :

-         la puissance de l’ordinateur : un ordinateur dont les caractéristiques permettent une manipulation confortable du logiciel utilisé est indispensable. L’une d’entre nous disposait les deux premières semaines d’un ordinateur dont les capacités étaient insuffisantes pour une utilisation confortable du logiciel. Nous avons pu nous procurer un ordinateur suffisamment performant pour mener à bien le projet la dernière semaine.

-         les pannes types « bug » : panne d’ordinateur, de logiciel et d’outils périphériques qui peuvent survenir pour une raison ou pour une autre. La logique pédagogique va parfois à l’encontre des capacités des divers outils : dans un souci pédagogique et organisationnel, l’une d’entre nous avait envisagé dans un premier temps la prise de photographie puis l’enregistrement de la voix off  par un même binôme. Très tôt, au deuxième ou troisième binôme l’ordinateur s’est révélé incapable de gérer ces allers-retours entre utilisation du périphérique et du logiciel. Il fallait donc envisager que tous les binômes prennent les photographies, que celles-ci soient transférées en même temps sur le logiciel afin de ne pas ouvrir de nombreux dossiers.

-         La connaissance insuffisante sur le logiciel due à un manque de manipulation. Rares étaient les élèves qui maîtrisaient suffisamment le logiciel ou qui avaient l’expérience suffisante en matière de résolution de problèmes. Une certaine capacité de déduction pour remédier aux éventuels problèmes rencontrés était nécessaire pour être complètement autonome dans l’utilisation du logiciel. Cette difficulté a été accentuée par l’échéance de la fin du stage. Cela nous a peut-être conduit à être parfois un peu dirigiste. Or nous sommes bien conscientes qu’il s’agit là d’une dérive qu’ Isabelle BORDALLO et Jean-Paul GINESTET appellent « la dérive techniciste où l’élève est l’exécutant d’un projet entièrement conçu par l’enseignant. »[19] L’enseignant devient rapidement le modèle et l’élève l’exécutant.  Dans cette dérive la plus extrême, l’enseignant fait à la place des élèves et ne résiste pas « à la tentation de leur confisquer leur projet ! ».[20]  Les élèves ont alors tendance à très vite se lasser. Cependant, les élèves sont tout de même restés les véritables maîtres d'œuvre du projet. Les contraintes de réalisation,  les objectifs à atteindre, inévitables dans un contexte scolaire, n’ont pas empêché un cheminement personnel de la part de l'élève ni en conséquence un résultat qui a un caractère distinctif.

b-    Les obstacles liés aux dispositifs et solutions envisagées :

Nos écoles possédaient une salle informatique, dont les ordinateurs avaient des capacités limitées, obéissant à une organisation qui permettait à chaque classe de disposer d’une séance par semaine. Par conséquent, nous ne pouvions faire un usage libre de ces salles. Nous disposions chacune pour nos classes d’un ordinateur portable personnel dans lequel était installé le logiciel. L’avantage est que nous disposions à tout moment de cet ordinateur quand nous en avions besoin. L’inconvénient est que cela supposait une organisation selon un roulement des élèves. Donc, tous les élèves n’ont pas pu manipuler de manière équitable dans le temps le logiciel. Ceux qui avaient fait le choix d’en faire usage pendant les temps informels étaient plus à l’aise dans l’utilisation du logiciel.

L’idéal est que chaque classe puisse disposer de suffisamment d’ordinateurs ou/et que les élèves disposent de cartables numériques.

c-     Les obstacles liés à la gestion de classe :

Ne disposant que d’un ordinateur, seul un binôme guidé par l’enseignant pouvait faire usage de cet ordinateur. La gestion de la classe s’avérait alors problématique : comment permettre aux autres d’avancer dans les apprentissages alors que l’enseignant est mobilisé par un binôme ? Pour rendre possible un climat favorable à la réalisation technique du projet, les autres élèves étaient en évaluations ou en exercices individuels de systématisation. Ils étaient donc en autonomie.

Certes, les obstacles sont bien présents dans ce type de projet. Malgré ces obstacles, ce projet vaut la peine d’être vécu : d’abord parce qu’il existe des solutions qui impliquent de développer de nouvelles stratégies pour organiser les activités de la classe, l’enseignement, l’environnement d’apprentissage mais surtout parce qu’il est riche du point de vue des apprentissages pour les élèves.

2.    Les réussites :

L’objectif de notre expérimentation était d’évaluer l’impact de l’intégration des TICE dans le cadre d’un projet au plan de la motivation à l’apprentissage et au plan du développement des compétences dans différents domaines.

a-    la motivation :

Le pari de la motivation via un projet intégrant les TICE est donc réussi : nos classe semblaient très investies dans la réalisation du projet et ce dès son lancement qui leur a permis de s’approprier le projet.  Une partie des élèves préférait même passer les récréations (ou autres temps informels) à manipuler, découvrir les différentes fonctionnalités du logiciel, ou à continuer l’élaboration de l’album audio-visuel. Nous étions agréablement étonnées de constater que parmi ces élèves se trouvaient de fortes personnalités ayant des problèmes de comportement en classe qui rendaient difficiles la gestion de la classe. Nous sommes satisfaites de constater que de tels profils d’élèves s’investissent autant dans le projet. Leur motivation pour les nouvelles technologies liées au projet a rendu possible une meilleure gestion de la classe. Les responsables américains du programme ACOT (Apple Classrooms of Tomorrow) mené depuis plus de 10 ans ont eux-mêmes observé cet intérêt des élèves pour les TICE: «  A mesure que le programme ACOT avançait les enseignants  virent croître l’intérêt de leur élèves. Leur enthousiasme était contagieux. […] Les élèves prenaient de plus en plus d'initiatives; ils dépassaient les exigences et, de leur propre chef, essayaient et étudiaient de nouvelles applications. Quand ils travaillaient avec les ordinateurs, ils consacraient plus de temps aux travaux et aux projets ; ils restaient même en classe pendant leur temps libres, et après les cours pour utiliser les ordinateurs. »[21] Le personnel de l'école primaire de Peakview, située à Aurora au Colorado, a mis en œuvre des orientations qui exigent la résolution de problèmes et l'utilisation des nouvelles technologies. L'évaluation des premières années de cette école, effectuée par quatre chercheurs de l'Université du Colorado, révèle, entre autres, que l'utilisation des nouvelles technologies facilite la réalisation de projets, individuels ou en petits groupes, et que les élèves sont plus motivés et font preuve de plus d'initiative lorsqu'ils travaillent à leurs projets de recherche que lors d'autres activités en classe.

b-    les apprentissages :

        Ce projet visait essentiellement le développement chez les élèves de la compétence d’expression orale dans l’optique d’une approche communicative. Nous avons eu l’occasion de rencontrer des PLC2 anglais dans le cadre d’une journée inter-degrés. Ces professeurs stagiaires de collège lycée évoquaient souvent la faible motivation des élèves, y compris des élèves de sixième qui n’ont que quelques mois de plus que nos CM2. Ils observaient un blocage face à la prise de parole et un manque de moyens linguistiques (le lexique : les mots pour le dire et les fonctions grammaticales). Il nous semble que le projet que nous avons mis en place, en mettant l’accent sur l’utilisation de la langue en situation de communication, a donné à l’élève une véritable raison de prendre la parole. Nos élèves se sont vraiment sentis impliqués car nous leur avons donné des initiatives dans l’accomplissement de tâches motivantes clairement définies avec des problèmes à résoudre. La création d’un document multimédia s’est révélée particulièrement efficace dans l’acquisition des compétences d’expression orale, comme en témoignent les productions des élèves (voir sur le support DVD les adaptations audiovisuelles réalisées par nos deux classes). Cependant, d’autres disciplines peuvent tirer parti de l’intégration des TICE dans les pratiques pédagogiques, en témoignent d’autres projets, à dominantes artistiques et scientifiques, réalisés au cours de nos divers stages. (voir les organigrammes des projets et la séquence sur les solides accompagnée des fiches de préparations des séances intégrant les TICE en ANNEXE VI)

Force est de constater également que les élèves, se trouvant en petits groupes autonomes devant l’ordinateur, développaient des capacités d’attention aux autres et de communication. Ils ont  élaboré leurs propres méthodes de travail, appris à mémoriser, distinguer l’essentiel, mobiliser leurs connaissances, les réutiliser dans une situation nouvelle, construire un raisonnement, choisir des arguments, bref, penser par eux-mêmes. Le maître est dans ces situations un guide pour ces élèves car leur apprend à accéder aux informations par eux-mêmes et à les transformer en connaissances. Selon Franck SERUSCLAT[22], l’usage de l’outil numérique développe effectivement chez les élèves l’auto-apprentissage et l’autonomie dans le travail et dans la prise de décisions.

        Ces projets ont permis de mettre en place des dispositifs pédagogiques innovants dans lesquels les savoirs et surtout les apprenants et les enseignants entrent en interaction. Selon Marcel Lebrun, on passe ainsi d’une situation où tout est centré autour de l’outil présentant des contenus spécifiques et des situations fermées à une situation centrée sur l’apprenant et son projet, et où les outils technologiques sont un facteur de dialogue entre les pôles du triangle enseignant- apprenant  savoir. D’où de nouvelles exigences pour les uns et les autres : aux élèves d’émettre des propositions, de les développer, les argumenter et de gérer les incertitudes ; aux enseignants de passer du stade de pourvoyeur de connaissance à celui de guide dans la construction de la connaissance par ses élèves. ans ce cadre, les médias constituent un terrain fertile pour éveiller, exercer, développer et promouvoir des compétences transversales, nécessaires pour s’éduquer et s’insérer de façon constructive dans la société complexe qui est aujourd’hui la nôtre.

On est en droit de se demander si les réussites évoquées ci-dessus relèvent davantage du recours aux TICE, de l’approche par projet ou de la combinaison des deux. Notre expérimentation ne peut répondre objectivement à cette question. Cependant, des chercheurs ont pu mener différentes études sur l’utilisation et l’intégration de la technologie dans les écoles[23]. Leur objectif était d’évaluer l’impact de l’intégration des TICE sur des élèves de niveau secondaire au plan des attitudes et de la motivation et au plan du développement des compétences langagières en français et en anglais. Quatre classes différentes ont été suivies au cours de la recherche : une classe où on a recours aux TICE et à l’apprentissage par projet, une classe où on a recours aux TICE seulement, une classe où on a recours à l’approche par projet uniquement et une classe où on a recours ni aux TICE ni à l’approche par projet. Résultats ? Au cours des trois premières années de l’étude, les élèves de la première classe ont exprimé des motivations plus élevées à apprendre l’anglais et le français et se sont montrés plus motivés à l’utilisation des technologies pour apprendre ces deux langues que ceux des trois autres classes. Ils ont également observé que les élèves qui travaillaient l’approche par projet sans utiliser les TICE étaient plus motivés que ceux qui n’utilisaient ni l’un ni l’autre.

3.    Comment ce projet intégrant les TICE aurait pu être amélioré ?

Afin d’amener les élèves à se donner un but personnel, un but d’équipe, pour les aider à formuler des questions sur le sujet et à assumer leur rôle et leurs responsabilités et pour les aider à réfléchir sur leurs apprentissages, il aurait été souhaitable de leur fournir des contrats d’équipes, de binômes. (Voir en ANNEXE VII un exemplaire de ce qui aurait pu être donné : contrat d’équipe)

 

La fin du stage concordant avec la fin de la réalisation du projet, nous  n’avons pas pu consacrer assez de temps à la phase d’exploitation pédagogique du projet. Or, nous pensons que c’est une erreur de ne pas faire de retour sur les contenus d’apprentissages avec les élèves une fois le projet terminé. En effet, ce manquement pourrait les amener à penser que l’école fonctionne selon un mode « productif » et non « instructif et éducatif ». Isabelle BORDALLO et Jean-Paul GINESTET[24] évoquent cette « dérive  productiviste » de la pédagogie de projet où le produit à fabriquer est plus important que les apprentissages visés. Elle apparaît lorsque les manifestations extérieures du produit final priment sur les apprentissages des élèves. Le projet devient une fin en soi aussi bien pour les élèves que pour l’enseignant alors qu’il doit être considéré comme un moyen permettant d’acquérir des apprentissages. Le groupe ESCOL[25] ne préconise pas cette pédagogie du projet. Il invoque le fait qu’en se mobilisant pour la réalisation du projet, les élèves ne se mobilisent que sur le produit fini et pas sur les apprentissages. Cela peut également induire des effets pervers : tout ne pouvant pas être mis en projet, les autres apprentissages n’auraient-ils pas de sens ? Jean-Yves Rochex évoque « l’ordinaire de la classe » et « l’extraordinaire du projet ». Par ailleurs, la pédagogie de projet est fondée sur la motivation liée au désir et à l’envie des élèves. Or, il est du rôle de l’enseignant, pour assurer l’intégration future des élèves dans le monde adulte, de leur faire prendre conscience que l’on ne fait pas toujours ce qu’il nous plaît et qu’il existe des moments où on agit plus par nécessité que par envie.

 

CONCLUSION

 

Pour quelles raisons alors TICE et pédagogie de projet semblent-elles faire si bon ménage ?

Utiliser les technologies et mettre en œuvre des pratiques pédagogiques organisées autour de projets relèvent de deux démarches et de deux volontés distinctes. L'une peut aller sans l'autre, la pédagogie de projet sans les TICE et les TICE sans la pédagogie de projet. Mais l'une et l'autre vont aujourd'hui si bien ensemble que refuser de les associer serait dommageable. C’est en effet par la finalité d’un projet intégrant les TICE  que l’apprentissage des outils numériques paraît le plus cohérent. Il ne faut donc pas partir de l’objet technique de l’ordinateur mais de l’usage que les élèves peuvent en faire dans le cadre d’une finalité. C’est toute la différence entre un cours informatique et un enseignement ayant recours au multimédia. « Les outils multimédias doivent avant tout favoriser l’acquisition de savoirs fondamentaux. L’informatique doit être un instrument et non un objectif en soit ».[26] Par ailleurs, les TICE rendent possible une pluralité de projets pluridisciplinaires permettant de travailler sur des apprentissages divers.

 

Cependant, l’avènement des nouvelles technologies n’est pas la solution radicale aux problèmes actuels de l’enseignement mais au mieux un catalyseur qui conduit progressivement l’enseignant à innover au niveau de ses méthodes en les rendant plus centrées sur l’activité de l’apprenant. Nous ne sommes pas emportées par l’enthousiasme lié à la découverte des  possibilités offertes par les nouvelles technologies, ni obnubilé par leur maîtrise technique. Nous adoptons ici la conception de Gilbert Simondon qui, dans son ouvrage Du mode dexistence des objets techniques, mettait en garde contre deux attitudes vis à vis de la technique : la « technophobie », qui consiste à dire que « la technique en elle-même est mauvaise et dangereuse, par nature, dans son être propre », et « l’idolâtrie de la machine », qui dote la technique des meilleures intentions. Nous plaçons ainsi l’utilisation des technologies de l’éducation dans une perspective de société en devenir : l’enjeu dépasse les quatre murs de la classe, il concerne tout citoyen. 

M.Hubert préconise l’élaboration de sa propre méthode qui, au fil des années, combinera compétences et outils divers dans un dispositif de plus en plus performant. Il nous est apparu que la combinaison des TICE et de la pédagogie de projet est une piste intéressante pour les années à venir.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

       

·        ARPIN Lucie et CAPRA Louise, L’apprentissage par projets,  Chenelière, 2001

·        BORDALLO Isabelle, GINESTET Jean-Paul, Pour une pédagogie de projet, Hachette, 1994

·        SERUSCLAT Franck dans L’école républicaine et numérique? édition BELIN, collection Débats, 1999

·        FROGER Norbert, 50 activités pour réussir le B2i, les TICE et la maîtrise du langage, SCEREN, 2004

·        HARVEY Suzanne, Classe active, élèves motivés ! Gérer sa classe par ateliers en intégrant les TICE, HMH, 2003

·        L’équipe informatique 1er degré du Tarn, 50 activités phares avec les TICE à l’école, Projets d’aujourd’hui pour citoyens de demain, CDDP Tarn, 2000

·        HUBERT Michel, Conduire un projet-élèves, Hachette Education, 2005

·        ROYAL Ségolène, citée dans l’article «  Les premières lignes du plan multimédia pour l’école », Le Monde, 26-27 octobre 1997.

 

 

MAGASINES:

 

·        Les dossiers de l’ingénierie éducative, accéder à la maîtrise du langage, problématiques, obstacles, outils, SCEREN, mars 2003, n°42

·        Les dossiers de l’ingénierie éducative, Les TICE et l’école, CNDP, décembre 2000, n°33

·        HAYMORE Judith dans  « Classe branchée. Enseigner à l’ère des technologies », Les dossiers de l’ingénierie éducative, 1997

 

 

 

 

DEVEDEROM ET CEDEROM :

 

·        Créer un document multimédia en classe, CDROM CNDP de l’académie de Grenoble

·        Les TIC font école, quand l’école primaire relève le défi des technologies de l’information et de la communication, DVD CRDP POITOU-CHARENTE 

·        Les images en maternelle, SCEREN-CNDP

 

 

 

SITOGRAPHIE :

 

·        http://www.education.gouv.fr/bo/2002/hs1/default.htm  (BO HS N°1 14/02/2002)

·        http://tice.education.fr/educnet/Public/primaire/usages_primaire/pri         mtice4551?affdoc=3

·        http://txtnet.com/ote/Une%20question%20impossible.htm

·        http://www.schoolnet.ca/accueil/f/ Grégoire R. et Laferrière T., 1999, Apprendre ensemble par projet avec l'ordinateur en réseau

·        http://www.rescol.ca/alasource/f/index.asp intégration des TICE en classe canadienne

·        http://www.etwinning.net/ww/fr/pub/etwinning/news/interviews/interview_with_derrick_de_kerc.htm

·        http://www.csportneuf.qc.ca/sedprojet/ (site internet canadien consacré à la pédagogie de projet)

·        http://ntic.org/guider/textes/div/bibscenario.html (guide de rédaction et de présentation d’un scénario pédagogique et d’une activité d’apprentissage)

 

SOMMAIRE DES ANNEXES :

 

 

 

ANNEXE I : Schéma extrait de Apprendre en projets, Chronique sociale, collection « pédagogie formation », 2005

 

ANNEXE II : schéma sur les effets attendus d’une pédagogie de projet

 

ANNEXE III : organigramme du projet pédagogique

 

ANNEXE IV : cadre de planification du projet

 

ANNEXE V : scénarios pédagogiques des projets Winnie

 

ANNEXE VI : organigrammes de projets à dominante artistique et scientifique réalisés aux cycles 1 et 2 ; séquence sur les solides et fiches de préparations des séances intégrant les TICE

 

ANNEXE VII: contrat d’équipe

 

ANNEXE VIII : CDROM des adaptations audio-visuelles des albums Winnie the witch et Winnie in winter

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RESUME

 

 

L’intégration des TICE permet, dans le cadre d’un projet pluridisciplinaire, de motiver les élèves mais aussi de construire des compétences dans plusieurs domaines. L’élève est acteur et auteur de ses apprentissages. L’enseignant est en position de médiateur : il guide l’élève dans la construction de ses compétences. TICE et pédagogie de projet s’enrichissent mutuellement : les TICE apportent au projet, qui rythme la vie des classes et des écoles, un enrichissement et une dimension supplémentaires ; les TICE au service d’un projet sont ainsi à leur juste place : un outil au service des apprentissages.

 

 

 

MOTS CLES :

 

- TICE

- PEDAGOGIE DE PROJET

- MOTIVATION

- APPRENTISSAGES

- PLURIDISCIPLINARITE

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] POUTS-LAJUS Serge, Une question impossible, Observatoire des technologies pour l’éducation en Europe (OTE) http://txtnet.com/ote/Une%20question%20impossible.htm

 

[2] Le B2I fait partie intégrante des programmes d’enseignement de l’école primaire (B.O. H.S. n°1 14/02/2002) 

[3] Actuellement, certains didacticiens s’accordent pour regrouper les modèles de l’apprentissage selon trois courants : le modèle transmissif, le modèle béhavioriste et le modèle socio-constructiviste.

 

[4] HUBERT Michel, Conduire un projet-élèves, Hachette Education, 2005, p 11

 

[5] HUBERT Michel, Apprendre en projets, Chronique sociale, collection pédagogie formation, 2005

[6] GREGOIRE R. et LAFERRIERE T., Apprendre ensemble par projet avec l'ordinateur en réseau, 1999. Guide à l'intention des enseignants ayant déjà expérimenté l'approche par projet dans le cadre du programme Rescol à la source ou désireux de s'engager dans des expériences plus ou moins semblables avec leurs élèves, sur Rescol (réseau scolaire canadien) http://www.schoolnet.ca/accueil/f/

 

[7] Jean Vial, Pédagogie du projet, INRP, 1975

[8] http://www.rescol.ca/alasource/f/index.asp

Ce programme encourage et facilite l’utilisation efficace des TICE dans les salles de classes canadiennes. Les élèves de la maternelle à la 12e année acquièrent des connaissances grâce à la mise sur pied de projets multimédias collaboratifs et innovateurs en ligne. Du financement est offert aux écoles qui complètent un projet Rescol à la Source selon les directives établies. Ces projets conçus, lancés et mis en œuvre par l'enseignant et les élèves, sont conformes au programme scolaire et portent sur les activités d'acquisition de connaissances entreprises au moyen d'Internet.

 

[10] OTE : Observatoire des technologies pour l’éducation en Europe

 

[11]    ARPIN Lucie et CAPRA Louise, l’apprentissage par projets, éditions Chenelière, 2001

 

[12] Les documents multimédias sont variés : on parle de médias numériques, électroniques ou plus généralement de multimédias. Ces documents sur supports numériques articulent des images, du son, et du texte. Ils sont consultables à travers un système informatique. Ces documents se présentent sur des supports hors ligne (cédéroms) ou en ligne (Internet).[12] Pour notre part nous avons choisi de faire un usage exclusivement hors ligne du document multimédia qu’est l’adaptation audio-visuelle de l’album.

 

[13] Voir organigramme du projet pédagogique en ANNEXE III

 

[15] ARPIN Lucie et CAPRA Louise, L’apprentissage par projets,  Chenelière, 2001

 

[16] ARPIN Lucie et CAPRA Louise, L’apprentissage par projets,  Chenelière, 2001

 

[17] Voir les adaptations audiovisuelles réalisées par nous-mêmes sur le DVD

[18]  HUBERT Michel, Conduire un projet-élèves, Hachette Education, 2005, p 11

[19] BORDALLO Isabelle, GINESTET Jean-Paul, Pour une pédagogie de projet, Hachette, 1994

 

[20] HUBERT Michel, Conduire un projet-élève, Hachette Education, 2005

[21] HAYMORE Judith,  « Classe branchée. Enseigner à l’ère des technologies », dans Les dossiers de l’ingénierie éducative, 1997.

 

[22] Franck SERUSCLAT dans L’école républicaine et numérique ? Edition BELIN, collection Débats, 1999

 

[23] grâce à l’action concertée sur les TICE en éducation du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies et du Ministère de l’Education du Québec

[24] BORDALLO Isabelle, GINESTET Jean-Paul, Pour une pédagogie de projet, Hachette, 1994.

[25] L'équipe ESCOL, fondée en 1987 par Bernard Charlot, aujourd'hui sous la responsabilité d'Elisabeth Bautier et de Jean-Yves Rochex est une composante de l'équipe d'accueil ESSI (Education Socialisation Subjectivation Institution), regroupement, à la demande du ministère, d'ESCOL et du LSE de Paris VIII.
ESSI est rattachée à l'école doctorale Pratiques et théories du sens de l'Université Paris VIII.

[26] ROYAL Ségolène, citée dans l’article «  Les premières lignes du plan multimédia pour l’école », Le Monde, 26-27 octobre 1997.